Air France-KLM : Ben Smith veut augmenter les bénéfices de 117% d'ici à 2024

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  1111  mots
(Crédits : Christian Hartmann)
Quatorze mois après son arrivée à la tête d'Air France-KLM, Ben Smith a dévoilé ce mardi les objectifs financiers qu'il s'est fixés pour Air France-KLM d'ici à cinq ans et expliqué sa stratégie pour y arriver.

Quatorze mois après son arrivée à la tête d'Air France-KLM au cours desquels il a notamment ramené la paix sociale à Air France, rationalisé le portefeuille de marques, acté la sortie de la flotte des A380 et négocié avec les pilotes d'Air France un accord sur les conditions du développement de la filiale low-cost Transavia France, Ben Smith a dévoilé les objectifs financiers qu'il s'est fixés pour Air France-KLM d'ici à cinq ans et expliqué sa stratégie pour y arriver. Reposant sur les travaux du cabinet de consulting McKinsey pour la partie Air France, ce plan de marche, qui agrège de nombreux points évoqués ces derniers mois, est crucial pour l'avenir du groupe puisqu'il vise, comme Ben Smith l'a plusieurs fois déclaré, à faire d'Air France-KLM un acteur aussi rentable que Lufthansa ou le groupe IAG ans.

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Un écart de résultat de 1 à 1,5 milliard d'euros avec les concurrents

Le chemin est immense. Malgré les différents plans d'économies depuis une dizaine d'années, Air France-KLM affiche toujours un bénéfice d'exploitation inférieur de 1 à 1,5 milliard d'euros à ceux de ses principaux concurrents européens. L'an dernier, Air France-KLM a dégagé un bénéfice opérationnel de 1,3 milliard d'euros (qui aurait été de 1,667 milliard d'euros sans les 15 jours de grève à Air France) contre 2,5 milliards pour Lufthansa et plus de 3 milliards pour IAG, le groupe composé de British Airways, Iberia, Aer Lingus, Vueling et Level. Ben Smith entend combler cet écart d'ici à cinq ans. Mais les chiffres présentés montrent un rattrapage de la performance d'Air France-KLM dans cinq ans par rapport à celle de Lufthansa... de 2018.

Le plan concerne essentiellement Air France

Air France-KLM vise en effet un résultat opérationnel de 2,5 milliards d'euros d'ici à 2024, ce qui représente une hausse de 117% par rapport au 1,15 milliard d'euros attendu en moyenne par les analystes cette année. Ce niveau de résultat représenterait une marge opérationnelle de 7 à 8% contre 4% prévue cette année. Sachant que la marge de KLM frôlait les 10% en 2018 (9,8%) et que l'objectif est de la maintenir à ce niveau au cours des cinq prochaines années, l'essentiel du plan consiste donc à améliorer significativement la performance d'Air France pour la faire approcher de celle de KLM.

Compte-tenu du poids de la taxation et du coût du travail en France, "l'écart de marge normal entre les compagnies devrait être de 2 à 2,5 points", a indiqué le directeur financier d'Air France-KLM Frédéric Gagey. D'où l'objectif de marge de 7 à 7,5% pour Air France (1,7% l'an dernier) contre 9 à 10% pour KLM. En valeur absolue, l'objectif du groupe est d'augmenter d'ici à 2024 le résultat opérationnel d'Air France de 900 millions d'euros, celui de KLM de 250 millions d'euros et celui de Transavia de 100 millions d'euros.

"Il y a beaucoup de travail à Air France pour augmenter la rentabilité", a rappelé Ben Smith.

Bâtir un modèle opérationnel efficace

Sans surprise, le plan d'Air France-KLM est donc un plan visant à "réinventer Air France", selon l'expression d'Anne Rigail, la directrice générale d'Air France.

Pour y parvenir, le groupe veut construire un modèle opérationnel efficace qui permettra de réduire les coûts. Cela passe par l'amélioration des process, le renouvellement et la simplification de la flotte, une meilleure utilisation des avions, l'optimisation des configurations des cabines d'avions, l'optimisation du réseau, l'utilisation des données...

Air France-KLM vise une baisse des coûts unitaires de 1% par an.

Mais ce plan vise également à augmenter les recettes en focalisant Air France sur la clientèle haute-contribution voyageant en classe affaires ou en classe "Premium" (entre la classe affaires en long-courrier et la classe économique). Une stratégie qui n'est pas sans risque à l'heure où l'environnement macroéconomique se dégrade.

"Alors que le marché Premium long-courrier au départ de Paris a progressé de 9% entre 2014 et 2019, la part de marché d'Air France a diminué de 4 points sur cette période, à 54%. Un point de part de marché supplémentaire représente 10 millions d'euros", explique Ben Smith.

L'idée est donc d'augmenter le nombre de sièges en classe Business mais surtout en classe Premium au détriment de la classe économique.

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Nouvelle base de Transavia à Montpellier

Concernant Transavia, qui compte plus de 80 avions en comptant l'entité hollandaise  appareils (45 exemplaires) et française (38), la direction entend augmenter la flotte de 5 à 6 appareils par an, sans préciser dans quelle entité ils seraient positionnés. Pour autant, au regard du plafonnement de l'aéroport d'Amsterdam Schiphol, l'essentiel de la croissance devrait concerner Transavia France qui entend non seulement se renforcer à Orly en espérant obtenir des créneaux d'Aigle Azur mais aussi se développer au départ des régions. Ce sera le cas l'an prochain. Une nouvelle base opérationnelle ouvrira en avril à Montpellier avec deux avions et deux autres appareils seront positionnés à Nantes.

D'une manière générale, le groupe Air France-KLM entend grossir en augmentant ses capacités de 2 à 3% par an d'ici à 2024. Le groupe entend également être un acteur de la consolidation si des opportunités se présentaient. Faute de moyens suffisants, depuis sa création il y a 15 ans, Air France-KLM est devenu spectateur des opérations de concentration, alors que Lufthansa et IAG ont raflé un grand nombre de compagnies. Pas plus tard que ce lundi, IAG a annoncé le rachat d'Air Europa pour un milliard d'euros.

Pour autant, l'enveloppe d'investissements prévue pour les prochaines années ne laisse pas beaucoup de place à des opérations capitalistiques. Air France-KLM a en effet prévu d'investir 4 milliards d'euros par an pendant cinq ans. Le groupe ne sera pas en mesure de générer de cash avant 2023-2024 et dégradera forcément son endettement. Pour une opération d'envergure, Air France-KLM serait aujourd'hui obligé de recourir à une augmentation de capital. Mais pour cela, il lui faut augmenter son cours de Bourse. Pour l'heure, ce plan ne semble pas convaincre les investisseurs. En clôture à la Bourse de Paris, le cours d'Air France-KLM a reculé de 5,68%.

"Le plan est crédible, mais en raison de l'historique des grèves à Air France, les investisseurs anglo-saxons estiment qu'Air France n'est pas à l'abri des conflits sociaux et qu'il y a un risque pour que l'amélioration des résultats soit récupérée par les syndicats", explique Yan Derocles, analyste chez Oddo BHF.

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