E-Valley  : l'ex-base militaire de Cambrai en passe de devenir le plus grand parc logistique d'Europe

C'est la plateforme logistique de tous les superlatifs. Avec 550.000 m2 d'entrepôts sur 320 hectares à Cambrai, dans le Nord, E-Valley est déjà présenté comme «le plus grand parc logistique d'Europe». Ce projet tentaculaire compte bien multiplier les projets en France. . Le promoteur et son fonds d’investissement ont d’ailleurs signé un refinancement de 300 millions d’euros avec AXA IM Alts.
L'ancienne base aérienne 103 de Cambrai-Epinoy est devenue une grande plateforme logistique.
L'ancienne base aérienne 103 de Cambrai-Epinoy est devenue une grande plateforme logistique. (Crédits : E-Valley)

C'est l'histoire d'un industriel du textile qui cherchait un nouvel entrepôt... et qui a finalement racheté l'ancienne base aérienne 103 de Cambrai-Epinoy, avec la ferme intention de devenir l'un des hubs logistiques premium de référence en Europe. « A l'époque, j'ai vu arriver le boom de l'e-commerce et son corollaire, la multiplication des colis de façon vertigineuse », se souvient David Taieb, directeur général de BT Immo Group, société immobilière.

Il avait besoin d'un entrepôt qui puisse s'adapter à des besoins flexibles et évolutifs, tout en étant pas cher.

« Ma vision était également d'apporter tous les services au cœur des zones logistiques, comme de la formation, un studio photo, un data center, des magasins pour les retours, une entreprise spécialisée dans la reverse (NDLR : les retours de commandes), le cartonnage, le recyclage, la robotique etc. »

L'homme d'affaires visite alors plusieurs sites et garde deux bases militaires dans sa short-list : Laon-Couvron dans l'Aisne et Cambrai dans le Nord. Son cahier des charges ? Un minimum de 100 hectares, à l'écart des centres-villes. Son offre pour Laon est rejetée, les élus lui préférant un projet de circuit automobile, moyennant 20 millions d'euros... qui n'a toujours pas vu le jour.

400 millions d'investissement

C'est avec un investissement de près de 400 millions d'euros de fonds, accordés par un pool bancaire, que David Taieb jette finalement son dévolu sur les 350 hectares de l'ex-base militaire de Cambrai, qu'il rachètera en 2017 à la communauté d'agglomération de Cambrai jointe à la communauté de communes Osartis Marquion. Pour les élus, la perspective de créer près de 1.500 emplois a été décisive, balayant un projet de parc à thème sur la mobilité (avec notamment des hélicoptères, des montgolfières, un circuit automobile, une piste de ski, un hippodrome...). Pour BT Immo Group, la société immobilière créée par David Taieb, l'emplacement est hautement stratégique : à quelques kilomètres du futur port de Marquion sur le canal Seine Nord, tout en étant assez proche de l'autoroute, d'aéroports et de voies ferrées.

La transaction est conclue pour un euro symbolique. « Techniquement, ce n'était pas tout à fait un euro », rectifie David Taieb. « C'était plus un prix sur lequel on vient déduire le coût de la dépollution, du déminage, des fouilles archéologiques, de la pollution des sols, avec l'obligation de préserver le fonctionnement système du VOR [abréviation de VHF Omnidirectional Range, ndlr.], le système de positionnement radioélectrique pour les avions, indispensable notamment au fonctionnement de l'aéroport de Lesquin.» Ce qui implique que les bâtiments à construire, tout comme les grues de construction, ne doivent pas dépasser une certaine hauteur.

« Nous avons également "désartificialisé" certains sols », ajoute le promoteur. « Les allemands avaient construits des pistes proches des habitations, en béton très lourd : il a été très coûteux et très compliqué de casser les pistes sur Epinoy

Logistique et e-commerce

David Taieb a surtout pris son bâton de pèlerin pour consulter tous les villes et villages alentours.

« J'ai changé à deux reprises la physionomie du projet, ce qui a entraîné des coûts supplémentaires. Les bâtiments d'E-Valley sont finalement articulés autour d'une route centrale, pour limiter le bruit des camions. Toutes les constructions sont d'office anti-bruit. Je ne regrette pas, tout le monde est satisfait et je n'ai eu aucun recours sur le permis ».

A E-Valley, s'installent d'abord, dans les 72.000 m2 du bâtiment A (deux fois la surface de l'aéroport Charles de Gaulle), Sun City, l'un des plus gros grossistes européens de textile pour enfants sous licence comme Disney, Superman ou Star Wars (aujourd'hui dirigé par Daniel Taieb, le frère de David) et sa société sœur Haddad Brands Europe, également spécialiste des vêtements et accessoires pour enfants Nike, Levi's ou Jordan.

Les deux entreprises ont été suivies par Simastock (logisticien du groupe Bils Deroo pour l'automobile, l'e-commerce, l'industrie, la grande distribution sur 48 000 m2) et C Log (filiale logistique et transport du Groupe Beaumanoir et ses marques textiles Cache-Cache, Bréal, Bonobo, Vib's, Morgan, Caroll). Les deux logisticiens occupent le bâtiment B de 48.000 m2.

La Redoute, et plus encore

David Taieb marque ensuite des points en attirant La Redoute, fleuron nordiste de l'e-commerce, pour un entrepôt avec une première phase de 40.000 m2 du bâtiment H qui sera livré en décembre prochain (avant de s'agrandir à 110.000 signés et possiblement d'arriver à 150.000 m2 d'ici l'année prochaine), pour lequel l'aménageur a réalisé des « efforts considérables ». Un nouveau locataire devrait annoncer son arrivée dans 60.000 m2 en juillet. Un autre bâtiment de 55.000 m2 est disponible. C'est d'ailleurs toute la force de Castignac : toujours avoir un entrepôt d'avance pour être ultra-réactif face aux attentes du marché (11 mois pour la construction contre un an et demi en moyenne sur le marché).

Les services, eux, arrivent au fur et à mesure des implantations. Un centre de formation AFTRAL a ouvert ses portes, avec l'objectif d'accueillir 3.500 stagiaires par an, avec des formations allant jusqu'à bac+5. Un restaurant inter-entreprises va être construit. Le spécialiste français du recyclage Paprec a installé une unité, en attendant, l'installation à venir d'une halte-garderie et d'une culture de produits bio.

« Il s'agit de créer une synergie entre la formation, les entreprises de logistique implantées, et à venir, et les agences d'intérim (Manpower, Adecco et Synergie étant déjà installées) », résume Fabrice Galloo, directeur du développement du projet E-Valley.

D'autres projets sont à venir : un programme de géolocalisation des camions sur le site avec l'outil Waze, une expérimentation sur le fret aérien par drones avec Airbus, mais aussi la création d'une structure de recherche et de développement, la Chaire Tec'Log D (Transport, économie circulaire et chaines logistiques durables) en présence notamment de Joseph Sarkis, spécialiste américain de la logistique à l'Institut polytechnique de Worcester aux Etats-Unis.

Un milliard de budget

Pour investir à tour de bras, l'an dernier, David Taieb a d'abord réussi un énorme coup de poker : convaincre un poids lourd l'investissement à long terme canadien, Brookfield Asset Management, gérant à l'échelle mondiale un porte-feuille d'actifs pesant plus de 510 milliards de dollars (propriété, énergie renouvelable, infrastructures, entreprises privées, etc.).

Comment ? « Je leur ai fait visiter le site, j'ai partagé mon enthousiasme et ma vision, je les ai convaincus à la fois sur l'aspect financier et les développements ultérieurs », raconte David Taïeb, qui ne cache pas avoir reçu ensuite plusieurs propositions de rachat à 100% de son activité immobilière. « Je m'étais trop engagé, notamment vis-à-vis des élus (que je remercie pour tout le travail accompli), pour laisser ce projet être piloté depuis Abou Dabi ou Singapour. »

BT Immo Group devient alors « operating partner » dans cette joint-venture de 600 millions d'euros baptisée Castignac. Avec à la clef un budget d'un milliard d'euros, pas seulement pour E-Valley à Cambrai, mais pour un ensemble de projets logistiques stratégiques à travers la France, qu'il s'agisse de hubs XXL, d'entrepôts intermédiaires ou de bases pour la livraison dernier kilomètre.

Refinancement de 300 millions d'euros

Fin juin, la joint-venture Brookfield et BT Immo ont annoncé avoir signé un refinancement de plus de 300 millions d'euros avec AXA IM Alts, lui aussi gestionnaire d'actifs à l'échelle mondiale (de l'ordre de 163 milliards). Sachant qu'aujourd'hui Castignac gère un portefeuille d'actifs immobiliers d'environ 600 millions d'euros...

Cette renégociation fait suite à la mise en exploitation de nouveaux bâtiments : six sur E-Valley à Cambrai (350.000 m2 sur 550.000), l'avancement du projet de réhabilitation de l'ex-friche GoodYear sur la zone industrielle d'Amiens Nord avec 83.217 m² de logistique dont 2.370 m² de bureaux (80), et le projet de site logistique à Vemars (95) avec 36.625 m² dont 1.065 m² de bureaux.

D'autres sites à venir

Castignac vise beaucoup d'autres sites en Bretagne, en centre France, en région parisienne et aussi encore en Hauts de France, où 82.000 m2 sont projetés sur l'ex-friche industrielle de Bridgestone près de Béthune ou encore à Calais, sur la zone de la Turquerie, et ailleurs en France. Toujours dans une optique de couvrir tous les maillons de l'entrepôt logistique.

« Nous sommes devenus des spécialistes de la réhabilitation des friches, dans la perspective d'une vision globale de partenariat », conclut David Taïeb.

Des projets innovants à venir

Parmi les autres projets innovants annoncés : Smart Stadium, concept d'entrepôt du dernier kilomètre situé sous les terrains de sport. Partant du principe qu'un stade n'est jamais utilisé à temps plein et que le foncier logistique est rare en ville, pourquoi ne pas allier les deux ?

Sous des terrains existants de basket, de foot ou de pétanque à revaloriser, et aussi d'équipements collectifs, Castignac propose de créer de nouveaux espaces de logistique urbaine et durable, ainsi que des zones de stockage pour les livraisons du dernier kilomètre, des bornes électriques pour la recharge des véhicules, des casiers de récupération des commandes Internet, de l'agriculture urbaine, etc. Une optimisation bienvenue dans un contexte d'obligation de diminution de l'empreinte carbone de la livraison et de la règlementation visant la zéro artificialisation des sols pour de la logistique.

Côté développement durable, Engie, Brookfield et Castignac ont signé, le 21 juin, en présence de Xavier Bertrand, président du conseil régional des Hauts-de-France, une convention de partenariat visant le déploiement d'un ensemble de solutions de décarbonation sur le parc logistique d'E-Valley.

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Commentaires 2
à écrit le 24/06/2022 à 14:41
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Est-il prévu de poser des panneaux photovoltaïques sur toute cette surface de toitures d’entrepôts ? Ça ajouterait un plus (logistique + énergie 'verte'). Même si la région est saturée de moulins à vent, les panneaux sont statiques. Tout est pur cam...

le 25/06/2022 à 8:16
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il faut réquisitionnez les ecolos et les faire pedaler 10 heures par semaine et 15 heures pour ceux qui sont elus

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