C'est un cadeau en or massif venu de Genève qui pourrait permettre au premier port français d'enfin regagner le terrain perdu face à ses redoutables rivaux du Nord de l'Europe. En visite au Havre, ce vendredi (8 juillet), les dirigeants de Til -Terminal Investment Limited- ont affirmé leur intention d'investir 700 millions d'euros pour tripler la capacité de leurs terminaux à conteneurs de Port 2000. La nouvelle a été dévoilée officiellement devant le nouveau ministre de la transition écologique, Christophe Bechu, un proche d'Edouard Philippe. Lequel n'a pas hésité à parler d'une « annonce historique ».
Il faut dire que Til n'est pas n'importe qui. Bras armé sur terre du numéro 1 mondial du transport maritime de conteneurs MSC, la société gère une quarantaine de terminaux portuaires dans 27 pays et sur 5 continents. En décembre dernier, elle s'était rendue propriétaire de la moitié des postes à quais du port en eaux profondes du Havre. En s'engageant à les porter aux meilleurs standards, elle témoigne d'une confiance d'airain dans le potentiel de la place havraise vue comme « la porte d'entrée de l'Europe ». « Le Havre doit retrouver sa place parmi les trente premiers ports mondiaux (56ème aujourd'hui ndlr) », a déclaré Ammar Kanaan, directeur général de Til.
L'intéressé n'en fait pas mystère. Si son entreprise dépense (très) gros, c'est pour pouvoir charger et décharger dans des conditions optimales les immenses navires de 24.000 « boîtes » que MSC acquiert à raison de plusieurs dizaines chaque année. Objectif : traiter jusqu'à 4,5 millions de conteneurs chaque année. Soit 1,5 million de plus que le trafic du port normand aujourd'hui. « Nous voulons que nos porte- conteneurs s'arrêtent au Havre avant Rotterdam et Anvers qui est au bord de la saturation », a martelé David El-Bez, directeur des investissements.
Les dockers disent banco
Le volontarisme affiché par les dirigeants suisses a manifestement convaincu les représentants des dockers pourtant peu réputés pour leur tempérament conciliant. Til a signé avec eux un accord portant sur des gains de productivité contre la promesse de 1.100 embauches (dont 900 dockers) dans les six ans à venir. Elle s'est aussi engagée à ne pas automatiser les outillages ce qui aurait été perçu comme un chiffon rouge par la profession. « Ils ont adhéré au projet d'abord parce qu'ils aiment leur métier », affirme David El-Bez. Des termes exacts dudit accord, on n'en saura pas plus sinon qu'il a été décisif. « S'il n'avait pas été possible de s'entendre, nous n'aurions pas investi ici », précise son patron.
Til n'en espère pas moins quelques contreparties de la part de l'Etat français, attendu sur « le développement de nouvelles liaisons par rail et voie d'eau », Ammar Kanaan dixit. A cet exercice, il devrait pouvoir compter sur l'entregent d'Edouard Philippe. Le maire du Havre considère, en effet, que le gage de confiance dont témoigne MSC doit inciter Matignon à mettre le turbo. « Les décisions sont rendues plus urgentes », a-t-il insisté vendredi devant le ministre de la transition écologique. Un message apparemment reçu 5 sur 5. « La France doit faire des investissements dans les reports modaux pour décarboner le transport de marchandises », a répondu Christophe Béchu.
Chez Haropa, l'établissement gestionnaire des ports de la Seine, on caresse un autre espoir. Que l'arrivée en fanfare du premier armement mondial incite son rival français de la CMA CGM à moderniser, à son tour, ses terminaux sur Port 2000 gérés via sa filiale de la Générale de Manutention Portuaire. Une émulation que David El Bez appelle d'ailleurs de ses vœux. « Plus nous serons nombreux à miser sur Le Havre et plus le gouvernement sera poussé à investir dans les infrastructures de desserte du port », confie t-il dans un sourire. A bon entendeur.
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