
« Le covoiturage est un levier important. Si vous ne l'utilisez pas, vous ne pouvez pas faire de transition écologique », martèle Thomas Matagne, président-fondateur d'Ecov, une startup qui met en relation les usagers sur certains trajets référencés. La défense du covoiturage a le vent en poupe. Dimanche dernier, dans une émission diffusée par France 3, le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, s'est dit, lui, « ouvert à l'idée de réserver une voie du périphérique (parisien) au covoiturage, sous couvert d'une étude d'impact préalable ». L'objectif est multiple : réduire le nombre de voitures et ainsi les embouteillages, privilégier les transports en commun qui emprunteraient aussi ces voies réservées et, par la même occasion, réduire les émissions de gaz à effet de serre.
De fait, le covoiturage permettrait de diminuer d'environ un tiers les émissions de CO2 par rapport à une situation où le covoiturage ne se développerait pas, d'après une étude du Shift Project.
Des retours mitigés
Concrètement, une voie, la plus à gauche du périphérique, serait empruntée uniquement par les véhicules ayant à leur bord au moins deux personnes le matin et le soir lors des heures de pointe. Ce projet avait été présenté pour les Jeux olympiques 2024 et devait rester en place après l'événement. Mais une vaste consultation publique menée par la mairie a montré un refus à 80%, les usagers craignant une plus forte congestion du trafic routier sur un réseau déjà saturé.
Avant Paris, les métropoles de Lyon, Grenoble ou encore Montpellier ont déjà mis en place des voies spécifiquement réservées au covoiturage sur certains tronçons.
« En France, nous avons très peu de recul. Mais il y a des villes dans le monde où ces projets ont bien fonctionné, comme à Washington ou en Asie. En Californie en revanche, ces voies n'ont pas marché, car les covoitureurs ne savaient pas comment trouver des passagers », analyse Thomas Matagne d'Ecov.
A Lyon, la voie de covoiturage a été mise en place en 2020. Les retombées sont difficiles à évaluer en raison d'un grand nombre de non-respect de cette voie réservée. Mais dès cet été, des radars de contrôle devraient être installés sur la dizaine de kilomètres concernée par ces voies de covoiturage, permettant d'avoir une vraie étude d'impact.
Des radars et 135 euros d'amende
Ces radars vont fonctionner à l'aide de caméras infrarouges qui détectent le nombre de passagers avec, comme sanction en cas de non-respect, une amende de 135 euros. Des mesures de contrôle qui sont accueillies positivement par les métropoles et les acteurs de covoiturage. « Quand il y a peu de circulation, les voitures respectent plutôt bien cette voie, mais dès qu'il y a des embouteillages, ce n'est plus du tout le cas », regrette Jean-Charles Kohlhaas, responsable des déplacements et des intermodalités à la Métropole de Lyon. Les contrôles ne régleront toutefois pas les changements d'habitudes des usagers.
« En moyenne, une voiture sur vingt circule avec plus d'un passager à son bord. Si nous arrivons à passer à une voiture sur dix, nous réduirons d'un quart le nombre de véhicules sur les routes, c'est énorme. J'ai le sentiment que le covoiturage peut prendre, mais il faut que tout le système suive derrière », souligne Jean-Charles Kohlhaas.
Afin d'atteindre cet objectif, il faudra mettre en place plus que de simples voies réservées. A Grenoble et à Lyon, par exemple, les voies de covoiturage ont été déployées conjointement à des bornes physiques recensées sur une application. Ces « lignes » de covoiturage permettent de mettre en relation les personnes désirant covoiturer et ainsi rassurer les passagers ayant peur de ne pas avoir de conducteur pour assurer leur trajet. Si le covoiturage n'est pas effectué, des services de garanties sont à disposition. A Lyon, un taxi financé par la métropole effectue le trajet demandé si l'utilisateur n'a pas de covoiturage après 20 minutes d'attente. Une situation « très rare », selon Jean-Charles Kohlhaas, qui déclare que le temps moyen d'attente est de 3 minutes, « comme pour le métro ».
Des investissements faibles
Ces voies de covoiturages sont surtout rapides à mettre en place et peu coûteuses pour les villes. Il faut compter quelques dizaines à quelques centaines de milliers d'euros pour la mise en place de la signalétique et des radars, ceux-ci étant remboursés par la suite via les contraventions. A cela, il faut ajouter une centaine de milliers d'euros pour la mise en place d'infrastructures, notamment les bornes dans le cas de lignes de covoiturage. Des investissements faibles comparés aux dizaines de milliards pour l'industrie automobile vers l'électrique et au plan de 2 milliards pour le déploiement du vélo.
Le plus gros poste de dépenses reste le dédommagement des conducteurs incités à covoiturer via les plateformes. En Ile-de-France comme dans la Métropole de Lyon, deux euros sont versés à chaque trajet pour les conducteurs, à moitié pris en charge par l'Etat et à moitié par les collectivités. En décembre, l'Etat avait annoncé une offre de 200 euros pour les nouveaux covoitureurs. L'objectif final : faire passer en France le nombre de trajets quotidiens covoiturés de 900.000 actuellement à 3 millions le plus rapidement possible et ainsi éviter 4,5 millions de tonnes de CO2 par an.
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