Covoiturage courte distance : les fraudeurs dans le viseur

Mise au jour par des journalistes dans la région rouennaise, la fraude dont est l’objet notamment l’application de covoiturage domicile-travail, Klaxit devrait déboucher sur un durcissement des conditions d’accès à ce service subventionné par les pouvoirs publics au nom de la lutte contre l’autosolisme. Objectif : décourager les tricheurs sur ces plateformes sans pour autant dissuader leurs utilisateurs. Explications.
La Métropole de Rouen indique que 400 comptes suspects ont été supprimés de l'appli Klaxit en 2022 pour 110.000 conducteurs répertoriés.
La Métropole de Rouen indique que 400 comptes suspects ont été supprimés de l'appli Klaxit en 2022 pour 110.000 conducteurs répertoriés. (Crédits : DR)

« Le covoiturage de boîte à gants », c'est ainsi que les adeptes appellent la combine. Elle a été mise au jour fin mars à la faveur d'un article paru dans le Journal d'Elbeuf repris ensuite par plusieurs médias nationaux. L'enquête très fouillée a fait du bruit dans le petit monde des plateformes de covoiturage et dans les couloirs du ministère des Transports. Elle détaille la pratique à laquelle recourent des petits malins pour piéger - notamment - Klaxit, leader français du covoiturage courte distance (en passe d'être rachetée par son concurrent BlaBlaCar) dans l'agglomération rouennaise où son utilisation bat des records.

Le principe est assez simple. En se faisant passer à la fois pour le conducteur et le passager grâce à deux voire trois téléphones, des fraudeurs parviennent à se faire indemniser pour des trajets qu'ils ont effectué seuls dans leur voiture ou... sur le siège d'un bus. Les témoignages recueillis par le journaliste sont édifiants. « On sait qu'on peut utiliser Klaxit pour se faire de l'argent », raconte Maxime, un étudiant dont le prénom a été modifié. Une autre étudiante explique avoir empoché « 8 euros par semaine » depuis presque un an sans avoir vu l'ombre d'un passager.

Un petit pactole

Chaque voyage « covoituré » étant payé entre 1,50 et 2 euros par la Métropole rouennaise au nom de la lutte contre l'autosolisme, les plus assidus réussiraient ainsi à se constituer un petit pactole de plusieurs dizaines d'euros par mois. Par quelle entourloupe ? Les contrevenants tirent, notamment, parti d'une particularité du système qui veut que les passagers ne soient pas obligés de justifier de leur identité avant d'avoir effectué 15 trajets. La disposition est censée encourager le recours au covoiturage. « L'enjeu de ce seuil réglementaire est de permettre aux utilisateurs de tester le service avant de passer par une procédure de vérification assez lourde », précise-t-on chez Klaxit.

Combien sont-ils à recourir à cette tactique du passager fantôme ? Impossible de le dire avec précision. L'exécutif de la Métropole, qui subventionne généreusement les conducteurs via la plateforme (un peu plus de 4 millions d'euros dépensés depuis son lancement en 2021), chiffre la fraude à 2% des utilisateurs tout en admettant qu'elle est « probablement sous-évaluée ». Soit. Mais quelle que soit l'ampleur du phénomène, il jette une ombre sur la pratique -louable- du covoiturage domicile-travail au moment même où le gouvernement vient de décider de l'encourager par le versement d'une prime de 100 euros.

Sus à la triche

Le retentissement donné au cas rouennais n'a d'ailleurs pas tardé à faire des vagues. Tant chez les opérateurs qu'au ministère des Transports, on annonce depuis quelques jours un durcissement des conditions d'accès à ce type d'applications. A la manœuvre, un organisme tiers de confiance créé par l'Etat sous le nom de Registre de Preuve de Covoiturage. Le RPC de son acronyme a été créé pour encadrer le covoiturage courte distance et accompagner les collectivités dans son déploiement, en lien avec les opérateurs.

Une nouvelle mesure dissuasive vient d'être mise en place sous sa houlette. Les plateformes, qui assurent la mise en relation, sont désormais tenues de faire apparaître les sanctions auxquelles s'exposent les fraudeurs (jusqu'à 375.000 euros d'amende et 5 ans de prison) sur toutes leurs applis. Le RPC jure également d'œuvrer à l'amélioration des mécanismes de détection. Un « référentiel commun de solutions pour lutter contre les fraudes à l'identité et les fraudes de simulation de covoiturage en transport en commun » est à l'étude, est-il indiqué sur son site.

Vers des contrôles renforcés

De leur côté, les opérateurs s'engagent à muscler les dispositifs de contrôle. Appuyés par les élus rouennais, les dirigeants de Klaxit plaident pour un abaissement du seuil réglementaire de 15 à 10 trajets par passager pour la vérification d'identité. En complément, « les contrôles seront renforcés par des appels téléphoniques aléatoires pendant les trajets », nous assure t-on. Même manifestation de bonne volonté chez BlaBlaCar Daily où l'on promet de « collaborer activement avec les autorités et les autres opérateurs pour améliorer et harmoniser les dispositifs de contrôle ».

En attendant, la Métropole rouennaise prend les devants. Elle vient de décider de plafonner à 150 euros par mois la rétribution des conducteurs inscrits sur Klaxit et d'interdire l'utilisation du service dans un rayon de 400 mètres autour des lignes de métro et de bus à haut niveau de service. Pour autant, pas question d'accepter un moratoire comme le demandait l'opposition au nom de la bonne utilisation de l'argent public. « . A-t-on jamais arrêté le transport public au motif qu'il y avait de la fraude ? Non. On ne va pas punir tous les utilisateurs de bonne foi pour quelques uns qui trichent », rétorque en réponse Cyrille Moreau, vice-président en charge des mobilités. Une préoccupation qu'il partage aujourd'hui avec Klaxit et consorts.

Lire aussiCovoiturage : pourquoi le géant Blablacar rachète-t-il la startup Klaxit ?

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