Pas de "Go" pour l'autoroute ferroviaire Cherbourg-Bayonne sans accord-cadre de SNCF Réseau, dit Brittany Ferries

Comme un train de sénateur. La première autoroute ferroviaire de la façade atlantique tarde à voir le jour. Le ministre des transports vient d’annoncer sa mise à feu d’ici deux ans au maximum, mais la Brittany Ferries qui doit l’opérer refuse de s’engager sans un accord-cadre avec SNCF Réseau.
Nous avons la ferme intention de rouvrir mais aussi de développer ces autoroutes ferroviaires. Nous ferons notamment un Bayonne-Cherbourg, un Sète-Calais et le Perpignan-Rungis, dixit Jean Castex en septembre 2021. (Photo : transbordement de remorques non accompagnées placées sur des wagons surbaissés typique du ferroutage.)
"Nous avons la ferme intention de rouvrir mais aussi de développer ces autoroutes ferroviaires. Nous ferons notamment un Bayonne-Cherbourg, un Sète-Calais et le Perpignan-Rungis", dixit Jean Castex en septembre 2021. (Photo : transbordement de remorques non accompagnées placées sur des wagons surbaissés typique du ferroutage.) (Crédits : SNCF)

Qui dira le contraire - qui plus est, au lendemain de la parution d'un nouveau rapport alarmiste du GIEC ? Embarquer sur des trains une partie des norias de camions qui avalent du bitume entre la côte sud de la Grande-Bretagne et le nord de l'Espagne -via la France- serait tout bénéfice pour le climat. C'est précisément l'ambition de la future autoroute ferroviaire Cherbourg-Bayonne que la compagnie Brittany Ferries se propose de lancer, en complément de ses liaisons maritimes entre les îles britanniques et la péninsule ibérique.

Objectif : 20.000 poids-lourds sur le rail

L'annonce en avait été faite début 2020 par Jean-Marc Roué, son président. « Le  Brexit va accroître le besoin de transports nord-sud sur les ports comme Cherbourg situés à l'ouest du détroit où le passage portuaire est plus simple », pronostiquait-il à l'époque. Son objectif : transférer du bitume au rail quelque 20.000 poids-lourds sans chauffeurs (on parle de remorques non accompagnées) par an. À la clef, l'économie d'autant de tonnes de CO2, mais aussi un palliatif à la pénurie croissante de chauffeurs routiers sur longue distance.

À Paris, la proposition du patron breton n'est pas tombée dans l'oreille de sourds. Elle a reçu officiellement le blanc-seing de Jean Castex l'été suivant. Dans la stratégie nationale du fret ferroviaire, la liaison Cherbourg-Bayonne a rejoint les deux autres grands itinéraires Perpignan-Rungis et Calais-Sète sur lesquels le gouvernement compte pour honorer ses engagements de doubler la part du train dans le transport de marchandises à horizon 2030. Laquelle part - faut-il le rappeler - stagne obstinément autour de 9% en France depuis dix ans, moitié moins que la moyenne européenne.

À quand le bout du tunnel ?

Mais deux ans après les annonces du Premier ministre, le projet reste encalminé. Soutenu dès l'origine par la région Normandie qui est prête à engager plusieurs millions dans l'opération, Jean-Marc Roué espérait appuyer sur le bouton marche dès la fin de 2021. Une crise sanitaire plus tard, le bout du tunnel ne semble pas pour demain. En cause, des problèmes de dimensionnement des ponts sur le tracé via Bordeaux que SNCF Réseau ne paraît pas en capacité de solutionner avant plusieurs années.

En visite à Cherbourg le 7 février, Jean-Baptiste Djebbari, ministre des transports, a eu beau annoncer un démarrage de la ligne sur un itinéraire alternatif fin 2023 ou début 2024 puis une adaptation des voies définitives deux ans plus tard, David Margueritte, vice-président de la Région doute fort de la réalité de ces engagements.

« On s'attendait à ce que le ministre nous assure avoir levé ces blocages qui persistent au sein de SNCF Réseau, mais son discours a été vide d'annonces nouvelles », peste t-il.

Brittany Ferries attend un accord-cadre de la SNCF

Chez Brittany Ferries, le propos est nettement moins virulent. Si la compagnie qualifie de « bonne nouvelle » le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt confirmé par le ministre, elle n'en demande pas moins des gages à la compagnie cheminote avant d'envisager de se lancer sur le rail.

« Je ne peux pas promettre un Go tant que SNCF Réseau ne se sera pas engagé sur un accord-cadre nous garantissant la disponibilité des sillons [les créneaux d'autorisation donnés aux trains, Ndlr], ce qu'elle ne souhaite pas faire pour l'instant », détaille Jean-Marc Roué.

L'intéressé dit espérer un déblocage de la situation d'ici la mi-mars. « Je continue de me battre pour ce projet totalement novateur », assure t-il.

Du côté de SNCF Réseau, aucun accord n'est évoqué, mais on jure que l'affaire avance rondement. « Nous sommes confiants sur les délais qui sont annoncés et très fortement engagés pour que la Brittany Ferries puisse disposer de sillons de qualité dès 2024 », nous assure la direction normande.

Mais, là encore, des doutes s'expriment dans le Cotentin. « Les usagers actuels font pression pour que les travaux soient lissés dans le temps pour éviter de perturber le trafic », croit savoir un bon connaisseur du dossier.

Écueil supplémentaire, cela embouteille dans le port de Cherbourg qui a multiplié son trafic par trois en 2021 du fait d'un afflux de poids-lourds en provenance ou à destination de l'Irlande, cette nouvelle terre promise des chargeurs depuis le Brexit. « Même en commençant les travaux d'aménagement de la plateforme ferroviaire demain matin, ceux-ci prendront au moins deux ans », avance Philippe Deiss, son directeur. Dans ces conditions, le calendrier promis par Jean-Baptiste Djebbari paraît, sinon irréaliste, au moins un peu optimiste.

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Commentaire 1
à écrit le 02/03/2022 à 10:21
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"quelque 20.000 poids-lourds sans chauffeurs (on parle de remorques non accompagnées) par an" en allant à l'ile Gotland en Suède, j'ai remarqué que sur le ferry (à GNL) seules les remorques sont transportées, ça nécessite une organisation à chaque bo...

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