Volte-face stratégique de Via ID, un acteur majeur des startups de la mobilité

L'accélérateur de startups français, émanation de Mobivia (Norauto) connu pour son activisme dans le développement de Mobitechs (Heetch, Velib, Klaxit, GetAround...), renonce à ses projets de plateformes de mobilités multimodales (MaaS), jugeant que le concept n'a pas produit ses promesses. Le fonds veut recentrer ses arbitrages d'investissements sur des activités plus proches de sa maison-mère, mais assure ne pas renoncer à la mobilité...
Nabil Bourassi
(Crédits : La Tribune)

Chassés croisés sur le MaaS. Alors que la RATP opère un virage dans sa stratégie en adoptant le "Mobility as a Service" ("Maas", une application qui agrège l'ensemble des moyens de transport de la trottinette à la voiture partagée en passant par les bus et taxis), à l'inverse, Via ID tempère ses ambitions dans cette activité. Pour l'accélérateur de startup, émanation du groupe Mobivia (Norauto, Midas...), le MaaS est loin d'avoir produit ses promesses.

"La transformation dans le MaaS prend beaucoup plus de temps que prévu", explique à La Tribune, David Schwarz, PDG de Via ID. "La complexité de sa mise en œuvre a été aggravée par la crise du Covid qui a clairement entravé son déploiement, mais également par l'émergence accélérée de la voiture électrique et connectée. Ce qui était auparavant envisagé par des startups disruptives, l'est devenu par des constructeurs automobiles", explique celui qui a remplacé Yann Marteil, un an auparavant.

Via ID s'est battu pour le MaaS en France

C'est un virage stratégique majeur pour l'écosystème des Mobitechs françaises. Lancé en 2010, Via ID s'est rapidement imposé comme l'un des accélérateurs de startups les plus actifs en France pour réfléchir au monde des mobilités de demain, et préparer le groupe Mobivia (galaxie Mulliez, Auchan...) à cette bascule de modèle économique. L'incubateur multiplie alors les prises de participations dans des startups à la notoriété nationale telles que Drivy (location de voitures entre particuliers et devenu GetAround), Heetch (plateforme VTC), Smoove (qui gère les Velib parisiens) ou encore Klaxit (covoiturage domicile-travail). A l'époque, Yann Marteil voulait transformer Via ID en une plateforme MaaS, suivant le modèle Whim, mis en place à Helsinki et qui agrège l'ensemble des mobilités de la capitale finlandaise à travers une seule application.

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Via ID va d'ailleurs défendre le principe de l'open data dans les groupes de travail mis en place par le ministère français des Transports dans le cadre de la Loi d'orientation des Mobilités (la fameuse LOM). L'ouverture des données, régulée par une autorité régulatrice (le plus souvent une collectivité territoriale) était la condition sine qua non pour faire émerger des écosystèmes MaaS. Paradoxalement, la RATP, elle, avait largement combattu ce principe.

La voiture électrique a tout changé

Mais la crise du Covid est passée par là. Pour David Schwarz, il est désormais impératif de recentrer les arbitrages stratégiques de Via ID et de revenir vers les fondamentaux de son actionnaire historique.

"Nous observons une accélération du marché de la voiture électrique, et nous sommes convaincus que nous ne sommes qu'à l'aube de ce phénomène", a-t-il souligné, et de citer les différents vecteurs : appétence du grand public, volonté des constructeurs, resserrement réglementaire. Selon lui, le marché de la voiture électrique va favoriser l'émergence d'un écosystème de solutions qui sera complémentaire des activités de Mobivia: les solutions de recharge, le marché de la voiture électrique d'occasion qui sera différent, et tous les services associés à travers la connectivité et la télématique.

Pour Mobivia, l'enjeu est absolument majeur puisque la voiture électrique va totalement chambouler le marché de l'entretien et de la réparation. En supprimant la chaîne de traction thermique, la voiture électrique est beaucoup plus facile à entretenir, le manque à gagner pour les garages est colossal. La transformation du métier de garagiste reste néanmoins la prérogative de Mobivia, tandis que Via ID est chargé de réfléchir à un écosystème de solutions innovantes qui tournera autour de la voiture électrique, et complémentaires des activités d'entretien. Ainsi, le nouveau créneau de Via ID devient le Car as a Service (CaaS).

Après le MaaS, cap sur le CaaS

 "Le CaaS c'est une forme de MaaS mais recentré autour de la voiture, c'est-à-dire, une consommation de voitures combinée à d'autres services", explique le patron de Via ID. C'est dans cette dynamique que Via ID a également absorbé Car Studio en 2020, une autre structure de Mobivia dédiée au monde de l'entretien automobile avec des start-up comme Cosmo Connected, WeProov, Transition One ou Carfit.

Via ID réajuste donc sa stratégie et se rapproche davantage du modèle de sa maison-mère là où il devait accompagner sa transformation. "Pas tout à fait", répond en substance David Schwarz qui rappelle que Mobivia a assimilé la mobilité dans son projet de croissance au point de l'avoir intégré à sa raison d'être : "parce que la mobilité est essentielle à chacun, nous entreprenons pour que nous soyons tous durablement mobiles".

Ainsi, Via ID pourrait rester dans la mobilité à travers le concept de plateforme. "L'économie des plateformes de type market place fonctionne bien, ça a été prouvé dans l'hôtellerie, ça marchera aussi dans la mobilité", estime David Schwarz.En outre, Mobivia a prouvé son intention d'être un acteur de la mobilité en créant une nouvelle filiale, justement à partir de participations de Via ID, dédiée aux vélos. En 2020, elle a ainsi créé P2R réunissant Smoove et Zoov, jugeant ces deux activités opérationnellement mûres sur un marché mature.

Drivy aurait-il pu rester français?

Quid du portefeuille d'actifs de Via ID alors ? David Schwarz n'exclut pas de retirer ses billes de certaines startups dans les prochains mois et années, jugées non stratégiques. Mais l'inverse pose question. Via ID saura-t-il se maintenir dans le capital d'entreprises au moment où les levées de fonds de startups françaises accèdent à de nouveaux seuils qui tutoient désormais les 100 millions d'euros. Via ID préfère continuer à jouer malin et collectif. "Nous avons une expertise à offrir, mais également un réseau dans toute l'Europe grâce à notre actionnaire principal", estime David Schwarz.

Drivy aurait-il pu rester à capitaux français si Via ID avait pu sortir le chéquier ? Pour David Schwarz, l'offre du groupe américain (qui pèse moins lourd que le français en volume de transactions) était extrêmement attractive car elle apportait une technologie télématique, et un effet de taille géographique très compétitif. Les actionnaires (Via ID était minoritaire) dont le fondateur avaient tranché pour GetAround. David Schwarz l'assure, il ne s'agissait pas d'une question de gros sous, et le cas échéant, Mobivia saura sortir le chéquier.

Nabil Bourassi

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