BASSE-NORMANDIE/chantier naval

L 'horizon des Constructions mécaniques de Normandie (CMN) s'éclaircit. Le chantier naval de Cherbourg (400 salariés hors sous-traitance) met à l'eau, demain jeudi, la corvette Baynunah, la première d'une série de six exemplaires, conçue pour la marine d'Abu Dhabi (Émirats arabes unis, EAU). C'est le plus grand navire militaire construit à ce jour par ce chantier, qui, par ailleurs, devrait signer prochainement deux autres contrats militaires avec le Golfe persique, alors que son activité était sous la menace d'un « trou d'air ». Spécialisé dans les patrouilleurs très armés de petite et moyenne taille, le chantier normand devrait construire pour les Émirats arabes unis douze « intercepteurs » rapides de 15 mètres de longueur. Ces bateaux, qui pourront filer 60 n?uds, seront destinés à des opérations de police maritime, notamment pour l'arraisonnement des trafiquants au large des côtes.

n visibilité

Les CMN sont par ailleurs en cours de négociation pour un contrat militaire avec un « pays du Golfe », concernant la construction d'une cor­vette furtive très sophistiquée. « Cette corvette serait le premier étage de la fusée, commente Pierre Balmer, le PDG des CMN. Si nous réussissons bien cette première unité, cela pourrait déclencher une série de bateaux, ce qui donnerait une visibilité au chantier sur cinq ou six ans. » C'est le propriétaire du chantier, Iskandar Safa ? à la tête du groupe familial Soffia ?, qui a décroché ces contrats en raison de ses relations personnelles avec les décideurs du secteur. L'entrepreneur franco-libanais avait racheté le chantier en 1992, alors que celui-ci se trouvait en redressement judiciaire. Il est depuis cette date l'actionnaire principal du chantier.

Iskandar Safa est également à l'origine du contrat dit « Baynunah », signé le 27 décembre 2003 entre les CMN et les forces navales des Émirats arabes unis. Ce contrat, d'un montant de 165 millions d'euros, comprenait la construction d'un prototype et le transfert de technologies pour cinq corvettes lance-missiles. Un prototype de 71 mètres mis donc à l'eau demain, et qui doit être livré en juillet 2011, après une longue phase ­d'essais. Les cinq autres corvettes seront ­construites aux EAU par le chantier ADSB, à Abu Dhabi.

n la plaisance en berne

Les CMN vivent à plus de 90 % de l'export, mais pas que de commandes militaires. Présent dans le secteur de la plaisance depuis les années soixante, le chantier a construit des bateaux de course, comme ceux d'Éric Tabarly ou d'Olivier de Kersauson. Au début des années 2000, il a prospecté le marché des « superyachts » de plus de 40 mètres (motor yachts ou grands voiliers) à plus 20 millions d'euros l'unité. Résultat, note Thierry Regnault, ingénieur commercial à la division « yacht » aux CMN, « depuis dix ans, l'activité yachts représente en moyenne la moitié des heures de travail du chantier ». Mais, ajoute-t-il, « le marché est calme depuis un an », au point que certains chantiers ont connu des annulations de commandes. Les CMN sont, de leur côté, en train de livrer deux « motor yachts » de 60 mètres à des clients australiens. Mais, pour l'heure, il n'y a guère de quoi garnir leur carnet de commandes. En attendant un renversement de cycle, le chantier risque de devoir s'appuyer totalement sur son activité militaire. n