Le numérique, outil de pilotage de la ville zéro carbone

ZERO CARBONE. Les données et leur traitement peuvent servir à combattre la pollution atmosphérique dans les villes. Smart city, applis de mobilité partagée, réseaux intelligents, 5G : les outils sont variés. Retrouvez aussi nos replay

#ForumZéroCarbone Paris - Le numérique, outil de pilotage de la ville zéro carbone

Le numérique peut-il devenir la voie royale pour atteindre une ville décarbonée ? Industriels, élus locaux et startup innovantes ont débattu de ce sujet parfois controversé, à l'exemple de la 5G, lors du Forum Zéro carbone organisé le 30 novembre à l'Hôtel de Ville de Paris. Recueillir, traiter puis exploiter des données au sein d'outils informatiques peuvent aider les responsables politiques à faire baisser l'empreinte carbone de leurs municipalités.

« Le secteur du numérique représente 3 % du total des émissions de gaz à effet de serre (GES). Avec l'IT for green, c'est l'inverse : c'est le digital qui va aider à décarboner les villes » explique Prune Esquerre, responsable de la communauté « numérique et transition environnementale » chez Idate Digiworld. L'urbanisation croissante (70 % de la population vivra en ville en 2050), l'arrivée de nouveaux moyens de transport et celle des énergies renouvelables dans le mix énergétique complexifient l'équation. Il va falloir piloter les flux physiques et gérer les sources d'énergies intermittentes.

Le tout en réduisant notre empreinte carbone : « nous allons devoir passer de 10 tonnes d'émissions par personne à 6 en 2030 et 2 en 2050 » rappelle Prune Esquerre. Selon l'Idate, les trois grands postes d'émissions à gérer sont le logement (2,4 tonnes/personne), les transports (2,8) et l'alimentation (2,8). Pour le logement, les technologies digitales employées sont le smart building, le BIM (Building Information Modelisation ou modélisation des informations du bâtiment), appelé aussi jumeau numérique, et les compteurs intelligents comme Linky. Côté transport, il s'agit des outils pour éviter l'utilisation des voitures à combustibles fossiles : optimisation des feux de circulation, applications MTM (machine to machine) pour mieux charger les bateaux et les poids-lourds, applis de mobilité partagée. Dans l'énergie, les smart grids (réseaux intelligents) équipés de capteurs IoT (internet des objets) sont efficaces pour détecter les fuites d'eau ou de gaz.

Quatre piliers pour la smart city

Orange, opérateur télécom historique, est impliqué dans la transformation écologique avec son engagement à atteindre le net zéro carbone en 2040. En matière de smart city, Orange s'appuie sur quatre piliers. Le premier concerne l'amélioration de la vie citoyenne, avec l'appli mobile « ma ville dans ma poche », qui propose des services comme un chatbot pour trier les déchets, en service à Libourne, ou des informations sur les bornes de recharge électrique. Le deuxième, c'est l'attractivité du territoire, avec la plateforme « entraidons-nous » pour les circuits court, ou encore un projet pour identifier les flux logistiques, alimenté avec des donnés de plusieurs villes comme Paris et Versailles pour simuler les impacts des itinéraires de livraison.

Troisième pilier : l'efficience de la gestion des ressources. Le quatrième, c'est la cybersécurité : « nous accompagnons les municipalités via des formations et nous fournissons des outils pour renforcer leur sécurité » précise Isabelle Mathe, directrice Business Development Territoires Connectés.

La startup Vectuel est elle spécialisée dans la visualisation de la ville grâce à des jumeaux numériques (représentation en 3D). Le jumeau numérique le plus important est celui du chantier du Grand Paris : « avec ses 120 KM2, c'est l'équivalent de Paris intra-muros qui est recréé, c'est colossal » rappelle Gilles Guyard, directeur général Vectuel. À Mulhouse, Vectuel a modélisé le nouvel espace public adapté au vélo. « On donne à voir la maquette 3D aux habitants pour les aider à mieux comprendre ce nouveau schéma » décrit Gilles Guyard. À Lyon, la maquette numérique de la place Pradel Tolozan a permis de revoir l'éclairage public.

Tous ces projets numériques ont un coût qu'il faut pouvoir financer. Le fonds d'investissement Ardian a 100 milliards de dollars d'actifs sous gestion, dont 18 Md$ pour l'équipe infrastructure. « Nous avons développé une stratégie d'infrastructure augmentée, pour que nos investissements soient toujours pertinents dans 10 à 15 ans. La transition écologique est au cœur de notre métier » explique Pauline Thomson, directrice au sein de l'équipe Infrastructure. Le fonds a par exemple investi dans la startup française de computer vision Wintics pour mieux comprendre les déplacements urbains.

VOIR AUSSI - #ForumZéroCarbone Paris - Transports, santé : les nouveaux usages de la 5G dans la ville décarbonée

Toulouse teste la 5G

La 5G est la nouvelle technologie qui suscite le plus de controverses. Un an après l'arrivée de la 5G dans les métropoles, où en est cette technique qui apporte davantage de débit, moins de latence et du « network slicing » (découpage virtuel du réseau) ? « Les TIC (technologies de l'information et de la communication) ne représentent qu'1,4 % de l'empreinte carbone mondiale et 3,6 % de la consommation énergétique. Des chiffres stables depuis 10 ans. Mais elles permettent de réduire de 15 % l'empreinte carbone d'autres industries.

On aurait tort de s'en priver. Le trafic de données mobiles étant multiplié par deux tous les ans, la 4G ne va pas pouvoir absorber cette augmentation. Or, la 5G a été désignée pour consommer moins dans un ratio de 1 à 8 par rapport à la 4G » rappelle Franck Bouétard, Président-directeur général d'Ericsson France. Emmanuel Pugliesi, directeur exécutif SFR Business ajoute que « c'est aussi un levier pour développer la smart city en améliorant la gestion du trafic avec le déploiement de capteurs pour mesurer le dioxyde d'azote ». Chez Bouygues Télécom, le volume de datas a augmenté de 2,2 en quatre ans mais l'entreprise a divisé son empreinte carbone par 7. « A Bordeaux, pendant la crise sanitaire, l'hôpital a vu ses réseaux saturés. Nous avons connecté l'hôpital à internet en utilisant la 5G plutôt que la fibre. Le DSI utilise ces routeurs pour les centres de vaccination au Covid et de dépistage, des usages utiles à tous » illustre Stéphane Allaire, directeur du programme 5G de Bouygues Telecom.

La ville de Toulouse a investi 500 millions d'euros dans son projet Smart City. « L'ADN de cette ville, c'est la donnée. C'est devenu notre marque de fabrique » explique Bertrand Serp, Vice-président transition digitale Toulouse Métropole. La ville rose est aussi un des territoires labellisés en intelligence artificielle avec son projet Aniti (Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute. « Avec l'expérimentation Vol de Nuit sur l'ancien aérodrome Saint Exupéry, nous testons plusieurs technologies. Notamment des lampadaires avec capteurs et un réseau 5G indépendant » précise Bertrand Serp.

Un vecteur de progrès

La 5G et l'lA sont indispensables pour réguler le trafic des véhicules autonomes qui vont arriver ces prochaines années et pourraient réduire de 6 à 7 % les émissions de GES. « A Libourne, en Italie, des véhicules autonomes sillonnent le port pour transporter les conteneurs, ce qui a permis de réduire de 8 % l'empreinte carbone du site » illustre Franck Bouétard. Pour passer aux énergies renouvelables très décentralisées, il faudra construire un « grid » pour les piloter. « Sans réseau télécom temps réel (en 5G), c'est impossible » affirme le président-directeur général d'Ericsson France. Bouygues Télécom travaille avec un client qui surveille la consommation d'eau de ses milliers d'hôtels grâce à des capteurs IoT pilotés en 5G. « Nous avons pu identifier toutes les fuites, ce qui a engendré une économie considérable » explique Stéphane Allaire. Dans l'agriculture, des drones avec caméras HD aident les agriculteurs. « Si on l'utilise bien, la 5G est un vrai vecteur de progrès » ajoute-t-il.

Tous ces usages de la 5G doivent-ils être régulés plus sévèrement ? Non estime Emmanuel Pugliesi : « ils le sommes déjà énormément. Les opérateurs ont dépensé en 10 ans 93 milliards d'euros dans les réseaux, qui servent aux infrastructures publiques et au grand public. Nous demandons plutôt une régulation sur les producteurs de contenus, car ce sont eux qui saturent les infrastructures ». Le Covid et l'essor du télétravail ont fait prendre conscience aux décideurs qu'un plan de transformation digitale était « une question de survie » selon Franck Bouétard : « il y a eu une accélération. Notre étude IndustryLab montre que dans cinq ans, jumeaux numériques, robots, IA vont se développer rapidement. En France, la moitié de industriels pensent qu'ils auront automatisé 90 % de leurs processus dans dix ans ». Pour que la 5G se développe, elle nécessite un écosystème, des réseaux et des acteurs prêts à se transformer. « Il faut être patient et attendre que les industriels se l'approprient » estime Emmanuel Pugliesi. Pour le vice-président transition digitale Toulouse Métropole, ces innovations participent activement à la décarbonation des agglomérations : « par exemple, le véhicule autonome de la startup toulousaine EasyMile a reçu une autorisation d'exploitation. Et c'est à Toulouse, sur le site de l'Oncopole, que la navette va être mise à disposition des utilisateurs ».

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Commentaires 2
à écrit le 24/12/2021 à 14:53
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On veut nous faire croire qu'il n'y de progrès que dans l'innovation permanente, c'est une fuite en avant similaire au dogme vaccinal que l'on subit!

à écrit le 24/12/2021 à 13:23
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Le titre fait lapalissade. Quand j'ai informatisé les fiches carton des produits du labo (numéro de placard et d'étagère), ça a rendu service, moins de manipulations et plus de rapidité. "Recueillir, traiter puis exploiter des données au sein d'outi...

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