Les grands travaux en mal de financement bancaire

Les banques, qui ont représenté l'an dernier 81% des financements de projets d'infrastructures dans le monde, n'accordent plus de crédits au-delà de 15 ans. La faute à Bâle III, la future réglementation qui exige un renforcement de leurs fonds propres.
L'an dernier, sur les 405 milliards de dollars d'infrastructures financées dans le monde, 81% sont venus des banques. Copyright Reuters

Le financement des infrastructures aurait-il mangé son pain blanc ? Des obstacles commencent à freiner l'élan de cette jeune classe d'actifs, née au début des années 2000, lorsque les Etats, faute d'argent, avaient commencé à multiplier les partenariats public-privé (PPP) pour financer la construction et l'exploitation de grands chantiers autoroutiers, ferroviaires ou de distribution d'eau ou d'électricité. Compte tenu des besoins des pays émergents et des plans de relance d'économies matures comme la France, le financement d'infrastructures représente un marché de quelque 40.000 milliards de dollars, sur les vingt prochaines années, dans le monde, selon l'OCDE.

Cette manne n'a pas échappé aux sociétés de capital-investissement et autres gérants d'actifs, nombreux à avoir créé des structures dédiées au financement de grands projets, ces dernières années. C'est notamment le cas d'Axa Private Equity, qui avait remporté, l'an dernier, l'appel d'offres pour la construction de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, au côté du fonds Meridiam [aujourd'hui indépendant mais qui appartenait à l'époque à Crédit agricole ; Ndlr] et du groupe de BTP Vinci.

Les fonds d'infrastructure très actifs

A cette corne d'abondance se sont ajoutées plus récemment des cessions d'actifs par des entreprises du secteur des « utilities », comme Veolia ou les sociétés d'autoroutes espagnoles, contraintes de vendre des activités pour réduire leur endettement ou en raison d'une réallocation de leurs investissements vers les pays émergents. Fin juin, Veolia a ainsi cédé son activité d'eau régulée au Royaume-Uni aux fonds Infracapital Partners (Prudential) et Morgan Stanley Infrastructure Partners, sur la base d'une valorisation de 1,5 milliard d'euros. Deux mois plus tôt, l'opérateur britannique aéroportuaire BAA, filiale de l'espagnol Ferrovial, avait vendu l'aéroport d'Edimbourg au fonds Global Infrastructure Partners (GIP), pour 984 millions d'euros.

La période des prêts sur 25 à 30 ans est révolue

Mais l'environnement est moins favorable aux infrastructures, depuis l'éclatement de la crise financière, au second semestre 2011. Car les banques européennes, pressées par leur régulateur de se conformer à la future réglementation dite de Bâle III, et donc de renforcer leurs ratios de solvabilité et de liquidité, ont les coudées moins franches pour accorder des crédits longs, en adéquation avec la durée des projets d'infrastructure. « A l'exception des banques japonaises et allemandes, les banques prêtent désormais plutôt sur des durées de 5 à 15 ans. La période des prêts sur 25 à 30 ans est révolue », précise Virginie Grand, responsable des financements de projets Europe chez HSBC. Un coup dur, la dette bancaire représentant en moyenne 70% du financement d'un projet. L'an dernier, même, sur les 405 milliards de dollars d'infrastructures financées dans le monde, 81% sont venus des banques.

Des infrastructures financées par les « zinzins » ?

Par qui remplacer ces dernières? L'exemple de l'Amérique du Nord, où les PPP sont financés par les marchés, apporte une première réponse. « Pour pallier la diminution des financements bancaires longs, on peut imaginer une cohabitation entre les banques et les investisseurs institutionnels « longs », comme les assureurs ou les fonds de pension. Ce type de structure est à tester, d'autant plus que cela permettrait d'éduquer les investisseurs au risque des projets d'infrastructure », avance Virginie Grand. Moins familiers des risques géopolitique, de change, de taux que peuvent engendrer les projets d'infrastructure, les « zinzins », plutôt que d'investir en direct, pourraient le faire via des fonds. C'est la solution imaginée par BBVA.

Un fonds de 500 millions d'euros

La banque espagnole lancera en fin d'année un fonds de dette d'infrastructure doté de 500 millions d'euros, destiné à investir dans des actifs défensifs comme le rail, la route et le stockage d'énergie, et principalement français. L'idée étant de proposer la souscription de ce fonds à des investisseurs de long terme, comme les caisses de retraite et les assureurs. « Notre fonds constitue une réponse à la nécessité de diversifier les sources de financement d'infrastructures, compte tenu de la raréfaction de la dette bancaire. En effet, le financement de ce type de projets ne pourra plus se faire sans les investisseurs institutionnels », souligne Thierry Barbier, directeur des Financements chez BBVA France.

Un risque de transfert de propriété

« Nous avons présenté le fonds à une quinzaine d'investisseurs. Des assureurs, des mutuelles, des caisses de retraite, des entreprises se montrent intéressées », assure Pierre-Yves Domeneghetti, responsable Global Markets de BBVA France. Pourtant, la future réglementation Solvabilité II décourage nombre d'assureurs de continuer à investir dans des actifs illiquides. « Les investisseurs dans les infrastructures seront de plus en plus des fonds de pension et des fonds souverains », constatait d'ailleurs Mathias Burghardt, responsable du département infrastructure chez Axa Private Equity, en avril, lors de la conférence annuelle de l'Association des investisseurs pour la croissance (Afic). Avec, à la clé, le risque « de voir la propriété de nos infrastructures (nationales) transférées dans les mains d'autres pays. »

 

 


 

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