Ces petits frenchies qui veulent sauver la planète

La biodiversité est l'un des sujets majeurs au programme de la Conférence environnementale qui s'ouvre ce vendredi. Si beaucoup reste à faire, la prise de conscience des enjeux progresse et entraîne la création de nouvelles activités et d'entreprises pionnières.
Mur végétal sur la façade du musée du Quai Branly, à Paris. Botaniste : Patrick Blanc. [PATTACINI J.C. / URBA IMAGES SERVER ]

Quand ils parlent des atteintes à la biodiversité, de nombreux experts n'hésitent plus à évoquer la « sixième grande extinction » depuis l'apparition de la vie sur terre. À l'aube de l'Année internationale de la biodiversité, en 2010, l'ONU avait même reconnu que l'objectif d'en enrayer la destruction, que s'étaient fixé les États membres en 2002, restait hors d'atteinte. Et dans ce domaine, la France ne fait pas exception, comme en témoigne le dernier rapport sur le chemin à parcourir pour atteindre les objectifs du Grenelle à l'horizon 2020, commandé il y a quelques jours par la ministre de l'Écologie, Delphine Batho.

Comprendre l'impact de nos actions sur la nature

En dépit de cet inquiétant constat, les entreprises dont l'activité est en lien avec la préservation de la biodiversité reconnaissent que le sujet a pris de l'importance au cours des dernières années. De plus en plus de particuliers et d'entreprises veulent comprendre l'impact de leurs activités sur la nature, tenter de le limiter, parfois le réparer, voire contribuer à créer de la biodiversité. C'est le cas de Véronique Dham. Cette ancienne journaliste économique n'a pas attendu le Grenelle pour créer, dès 2005, Gondwana, première agence de conseil spécialisée en biodiversité. « Même si cela n'a encore rien de comparable avec le climat ou le carbone, le sujet a gagné du terrain grâce au Grenelle et à l'Année internationale de la biodiversité, observe-t-elle. Plus aucune entreprise du CAC 40 n'ignore le sujet. »Qu'ils en dépendent pour leur activité (cosmétique, pharmacie, etc.) ou qu'ils aient un impact fort sur leur environnement, de plus en plus de groupes cherchent à mieux cerner leur rapport à la biodiversité. C'est ce que Gondwana leur propose à travers l'outil Audit biodiversité. Pour chaque activité, il détermine l'indice de vulnérabilité de l'entreprise (présence d'espèces ou d'espaces remarquables à proximité), l'indice de perturbation sur la biodiversité et son indice de dépendance, en fonction des matières premières nécessaires.

À l'exception de quelques patrons engagés à titre personnel, cette démarche est le plus souvent initiée en anticipation d'une évolution réglementaire à moyen ou long terme qui contraindrait les entreprises à payer pour les « services » rendus par la nature. Pour l'heure, tant que les entreprises ne détruisent pas d'espèces ni d'espaces protégés, elles n'ont pas de contraintes directes concernant la biodiversité ordinaire, qui joue pourtant un rôle tout aussi essentiel. En revanche, elles sont touchées par ricochet par les obligations des collectivités locales en matière de trames vertes et bleues, les Scot (schémas de cohérence territoriale) et les PLU (plans locaux d'urbanisme). « Surtout dans le secteur de la construction », précise Véronique Dham, qui a accompagné la Ville de Paris dans l'élaboration de son plan Biodiversité. Cela l'a conduite à concevoir des bâtiments susceptibles de servir de relais de biodiversité, par exemple grâce à des façades ou des toitures végétalisées.

Pour sauvegarder les espèces et les espaces protégés potentiellement menacés par les grands travaux d'infrastructure, les réglementations qui se sont succédé depuis la loi sur l'environnement de 1976 jusqu'au Grenelle ont soumis les maîtres d'ouvrage au principe « éviter, réduire et, si possible, compenser ». C'est pour favoriser une meilleure application de cette loi que CDC Biodiversité a vu le jour en 2008 au sein de la Caisse des dépôts. Cette structure permet aux aménageurs de compenser les dégâts causés par leurs travaux grâce à l'instauration d'un mécanisme de marché qui jongle avec les « unités de biodiversité ». « Nous avons démontré que la compensation des dégâts résiduels était presque toujours possible », se réjouit son directeur, Laurent Pier-mont. Il distingue plusieurs sortes d'activités : celles qui dépendent de la consommation d'une ressource renouvelable (pêche, agriculture, forêts), pour laquelle il faut s'astreindre à une gestion durable ; celles qui ont besoin de la biodiversité mais n'y portent pas atteinte ; et celles qui détruisent des espaces naturels (construction de villes, zones d'activités, ports, voies ferrées, routes, etc.).CDC Biodiversité travaille essentiellement pour cette dernière catégorie, qui doit se fixer pour objectif de ne générer aucune perte nette. Ses experts accompagnent les constructeurs pour réduire leur impact au minimum et gèrent les opérations de compensation pour le compte d'une dizaine de chantiers. Une des plus importantes est liée à la construction de l'autoroute A65 (Pau-Lan-gon) par un consortium dirigé par Eiffage Construction.

La filiale de la CDC, qui a notamment racheté 325 hectares dans la plaine de Crau (Bouches-du-Rhône), recherche des parcelles correspondant aux besoins de ses clients et passe des contrats avec les propriétaires pour qu'ils s'engagent à préserver les espèces présentes sur leur terrain. Mais CDC Biodiversité propose également ses services aux opérateurs d'activités (culturelles, urbaines, etc.) qui ont besoin de la biodiversité sans toutefois y porter atteinte. Car « il ne s'agit plus seulement de préserver, il faut maintenant passer au stade suivant qui consiste à avoir une action positive, additionnelle, sur la biodiversité ».

Le nouveau créneau de la biodiversité urbaine

De nombreuses activités se sont ainsi créées sur le créneau de la biodiversité urbaine, très développée, contrairement aux idées reçues. Peut-être d'autant plus rapidement qu'un mur végétal ou une ruche sur le toit de son siège social font bonne figure dans une stratégie de communication « verte ».
Après une carrière dans plusieurs multinationales, Ronan de Kervenoael a ainsi fondé Apiterra en 2010, avec le soutien du fonds Sofired et d'Oséo. Cette PME a déjà installé quelque 300 ruches sur les toits d'une soixantaine de clients. Le dirigeant se défend toutefois de contribuer à tout greenwashing. Son partenariat de recherche avec l'Inra et son activité d'élevage d'essaims, qu'il vend non seulement en France, mais aussi au Royaume-Uni, en Irlande, en Belgique et en Suisse, donnent du crédit au sérieux de sa démarche. D'autant plus qu'il n'accepte d'installer des ruches qu'après un audit évaluant à la fois la pertinence écologique du lieu et la sécurité des salariés. « L'entreprise est le plus souvent un lieu sûr pour les abeilles, un moyen de récupérer des fonds et un vecteur de sensibilisation des salariés », souligne-t-il. Selon lui, la situation est alarmante et il y a beaucoup à faire. Près de 40 % de nos assiettes proviennent de la pollinisation, or les abeilles présentent actuellement un taux de mortalité supérieur à 30 %. En revanche, on peut accroître le rendement d'environ 30 % en améliorant les techniques de pollinisation.
Autre exemple : Thierry Jacquet a créé Phytorestore il y a sept ans, une PME qu'il définit comme « une société d'ingénierie écologique » spécialisée dans la « phytorestauration », autrement dit la restauration écologique de l'eau, de l'air ou du sol. « Alors que les marchés publics restent très contraints, le privé est devenu beaucoup plus innovant », remarque-t-il. Il est vrai qu'il compte parmi ses clients plusieurs grands groupes (Hermès, Louis Vuitton, les laboratoires Organon et Pierre Fabre). Dernièrement, c'est Saint-Gobain qui lui a commandé la création d'un hectare de zone humide à Pantin. La direction de ce groupe anticipe une évolution de la réglementation qui pourrait aboutir à une forme de comptabilité prenant en compte la biodiversité.

Des procédures encore complexes

Thierry Jacquet estime également qu'il ne faut plus raisonner en termes d'impact et ne réparer que l'équivalent de ce que l'on a détruit. Comme c'est le cas au Brésil, il plaide pour que chaque attribution de permis de construire s'accompagne de l'obligation de fabriquer de la biodiversité : « Cela permettrait en outre de créer des emplois et de développer un savoir-faire exportable. »Paradoxe des temps : Thierry Jacquet déplore à la fois l'absence de réglementation globale et ambitieuse sur la biodiversité et la complexité des procédures pour des projets écologiques. Par exemple, la bioferme qu'il a créée en Seine-et-Marne est désormais devenue une activité soumise à autorisation. Aussi développe-t-il aujourd'hui son activité dans l'agroforesterie au Brésil et la re-naturalisation de fleuves en Chine. « Le gouvernement devrait fixer des objectifs ambitieux, sans se poser la question de la faisabilité. Les entreprises trouveront toujours les solutions », lance-t-il. Pas sûr qu'il soit entendu tout de suite par ses homologues chefs d'entreprise.

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Repères

Deux livres, un site...
Agir avec la nature, de Laurent Piermont, éditions du Seuil, 2010, 192 pages, 18 euros. Biomimétisme, de Janine M.Benyus, éditions Rue de l'échiquier, Initiales DD, 2011, 408 pages, 23 euros. L'économie des écosystèmes et de la biodiversité, Programme des Nations unies pour l'environnement - www.teebweb.org.

La nature inspire les inventeurs
Aérodynamique des trains et des avions inspirée des oiseaux, surfaces auto-nettoyantes copiées des feuilles de lotus, bétons absorbeurs de CO2 reproduisant les fonctions des coraux... Depuis toujours, sciences et techniques s'inspirent de la nature. Avec la raréfaction des ressources naturelles et la recherche de process moins polluants, on se tourne avec plus d'intérêt encore vers les plantes et les animaux, dont les écosystèmes peuvent inspirer des solutions à moindre coût d'énergie et de matière. La biologiste américaine Janine M. Benyus, qui a théorisé ce phénomène d'imitation sous le terme de biomimicry - « biomimétisme », en français -, a créé à partir de ce concept un bureau de consultants en innovation, dont sont clients notamment General Electric, Hewlett Packard et Nike. Depuis qu'un livre blanc a évalué les retours sur investissement qui pourraient découler d'une démarche basée sur la biophilie (littéralement, « amour de la nature »), le concept, apparu il y a près de trente ans, fait un retour en force. Cette semaine encore, pour « permettre aux environnements urbains d'établir à l'intérieur un lien avec l'extérieur », le spécialiste des revêtements de sol InterfaceFlor a présenté sa collection Urban Retreat, imitant des « carrés de nature ».

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Commentaire 1
à écrit le 23/08/2013 à 11:47
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en france on fait beaucoup de debat et de grande declaration bidon. mais le probleme ecologiste et mondial il faut arrive a convaincre ;aussi les autre nations que la terre brule de notre egoisme de peuple gavez de gagette qui engloutissent tous les ...

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