Forêt verticale et villes vertes

Si Alphonse Allais proposait de mettre les villes à la campagne, aujourd’hui la grande tendance est à… verdir les villes. A Milan, on construit deux tours couvertes d’arbres ; à Singapour, on se lance dans l'agriculture verticale…
Francis Pisani est chroniqueur indépendant.
Francis Pisani est chroniqueur indépendant.

Milan, une des villes les plus polluées d'Europe, est sur le point de se doter de deux tours couvertes d'arbres dans le cadre du projet "Bosco verticale" ou Forêt verticale. De 119 mètres et 87 mètres respectivement, les deux tours hébergeront environ 800 arbres de 2 à 6 mètres de haut, 5.000 arbustes et une dizaine de milliers de plantes en tous genres. Elles sont sensées atténuer le bruit, filtrer certaines particules, fournir de l'oxygène et modérer les températures aussi bien estivales qu'hivernales. Bref, il s'agit d'une vraie forêt de près de 10km2 sur balcons et terrasses.

Bosco Milan

Testés dans des souffleries, les arbres sont plantés dans des caissons spécialement conçus s'assurer qu'ils ne seront pas emportés par le vent, pour éviter les fuites et que les racines n'endommagent pas les constructions. Le coût des appartements est de 5% plus élevé que pour des appartements comparables, mais sans "vert".

Un système 5 à 10 fois plus productif qu'une ferme traditionnelle

Le scepticisme est bienvenu mais il s'agit d'un pas intéressant dans le développement de l'architecture "verte" (au sens littéral du terme). Singapour, qui ne produit que 7% de la nourriture qu'elle consomme, se lance, elle, dans l'agriculture verticale. La technologie - conçue par la compagnie SkyGreens - repose sur des tours en alu de 9 mètres de haut bardées de 38 rangées de bacs dans lesquels sont cultivés des légumes.

Les roues qui les font tourner régulièrement - pour que chacun soit exposé à la même lumière et au même air - utilisent la gravité pour consommer le moins d'énergie possible et les eaux sont recyclées. Selon le fondateur, Jack Ng, 60 watts suffisent, soit l'équivalent d'une lampe électrique classique, pour faire fonctionner le système qu'il dit être entre 5 et 10 fois plus productif que les fermes traditionnelles.

L'objectif ? 10% de la production locale de nourriture

120 tours de ce type - qui occupent chacune une surface d'un peu moins de 6 m2, soit la taille d'une salle de bain - ont déjà été installées. L'objectif est d'en monter 2 000 et de faire passer de 7% à 10% la production locale de nourriture. Les légumes sont vendus 10% plus chers que les autres mais ils s'arrachent car "ils sont plus frais". Les prix pourraient baisser à mesure que la production augmente.

Fascinantes, ces deux initiatives privées ne suffisent pas pour "verdir" une ville. Les municipalités font ce qu'elles peuvent, mais pas toujours. Il est bon que les citoyens veillent et contribuent. C'est exactement ce que fait la petite équipe du BeirutGreenProject à Beyrouth pour les espaces publics.

Initiatives citoyennes

Tout a commencé en juin 2010 par une forme de protestation presque ridicule : l'installation à 4h30 du matin de la Journée de l'environnement de neuf "espaces verts" dans les zones les plus grises de la ville. Attention : chacun d'entre eux n'était qu'un morceau de gazon d'1 m2.  "Nous voulions une action ironique", m'a expliqué Dima Boulad, une des animatrices du projet, lors d'une rencontre à Beyrouth en février 2012. Chaque "pelouse" était surmontée d'une pancarte invitant les passants à "Jouir de votre espace vert". "Certains passants caressaient l'herbe en disant 'C'est vrai on n'en a pas assez'," raconte Dima.

L'équipe a ensuite occupé 270 m2 en se faisant prêter la pelouse par l'ONG Greenline et en convoquant ses sympathisants sur Facebook. 1 000 avaient promis de venir. 600 ont participé à la fête avec musique et pique-nique. 400 ont signé la pétition demandant plus d'espaces verts.

Guide des espaces verts

Joseph Khorost, un des animateurs, m'a expliqué que "nous utilisons les réseaux sociaux pour regrouper les gens mais nous agissons sur le terrain". Le 20 septembre 2013 ils ont participé au "Parking day" international. L'opération consiste à transformer en mini jardins, pour un jour (et quelques fois plus), des espaces réservés au parking des voitures.

Leur dernière action en date est la publication d'un Guide vert de Beyrouth, "une carte interactive des espaces verts de la ville et des services qu'on y trouve. C'est le premier pas pour les améliorer". Et ça devrait permettre, avec l'aide de la municipalité, de mieux faire connaître ceux qui existent.

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