Hydrolienne à Paimpol-Bréhat : dix enjeux pour éviter la noyade

Après l'hydrolienne de la start-up Sabella, déjà testée dans les eaux bretonnes, c'est au tour de la machine de l'irlandais OpenHydro, dont DCNS a acquis 8% du capital en début d'année, de prendre la mer en France. Son hydrolienne pilote a été mise à l'eau ce mercredi à 8 kms au large de l'île de Bréhat (Côtes d'Armor), pour quelques mois seulement dans le cadre d'une expérimentation menée par EDF. L'énergéticien vise ensuite le déploiement d'une ferme pilote de quatre machines durant l'été 2012 (vidéo), avec un raccordement au réseau prévu l'automne suivant.
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L'hydrolienne d'OpenHydro va-t-elle fonctionner ? Même si aujourd'hui plusieurs grands projets commerciaux d'hydroliennes sont sur les rails en Europe, avec Atlantis Resources, Marine Current Turbines (MCT) ou encore Hammerfest Strom, ce jeune marché a aussi essuyé des échecs sévères ces dernières années. Plusieurs turbines ont cassé dans les premiers mois de leurs expérimentations. Aux Etats-Unis, les pales des turbines de Verdant Power, par exemple, se sont brisées en 2008 victime du courant du détroit de l'East River à New York. La turbine SeaGen de MCT, dans laquelle EDF a investi, a subi également des problèmes au démarrage.

OpenHydro : déjà un retour d'expérience
De son côté, OpenHydro a rencontré quelques couacs en 2010. Sur un projet test dans la Baie de Fundy au Canada, mené avec l'énergéticien Nova Scotia Power, l'une de ses turbines a vu deux de ses pales s'abimer. Mais côté expérimentation, OpenHydro mène aussi des tests à l'Emec (European marine energy centre) au Royaume-Uni, une plateforme de démonstration sur les énergies marines renouvelables.
"OpenHydro bénéficie aujourd'hui d'un véritable retour d'expérience sur sa technologie. L'entreprise reste néanmoins dans une phase de R&D. Et comme dans tous développements, il y a une prise de risque qui doit autoriser le droit à l'échec", explique Fréderic Le Lidec, directeur de l'incubateur de DCNS sur les énergies marines à Brest. Pragmatique, il n'écarte pas les problèmes que pourrait rencontrer le projet de Paimpol-Bréhat, mais il se dit très confiant, tout en mettant en avant le savoir-faire historique de DCNS dans l'industrie marine.
DCNS a pris 8% d'OpenHydro en janvier dernier, en échange de 14 millions d'euros. Sur le projet de Paimpol-Bréhat, le groupe a fabriqué les pales de l'hydrolienne sur son site de Lorient (Morbihan) et il apporte à OpenHydro un appui territorial et technique très fort. La première hydrolienne de Paimpol-Bréhat ne sera pas connectée au réseau et l'énergie produite sera dissipée. L'expérimentation en mer doit s'étendre jusqu'à novembre ou décembre de cette année, avant la sortie de l'eau de la machine.

Dix enjeux clés
Le projet vise surtout à tester des aspects opérationnels, à côté de la production d'énergie et des tests techniques et mécaniques. Il doit permettre de valider dix enjeux clés :
1- Le dimensionnement de la machine.
Avec les hydroliennes, le gigantisme embrasse la mer. La turbine de 0,5 MW d'OpenHydro mesure 16 mètres de diamètre, soit la taille d'un immeuble de sept étages, pour plusieurs centaines de tonnes. Le défi s'impose de lui-même par la taille des équipements déployés dans un environnement marin hostile, dans des zones où les courants marins sont importants. Les caprices de la météo en mer ajoute un facteur de complexité.
2- L'environnement maritime.
L'une des erreurs du projet d'OpenHydro dans la baie de Fundy au Canada fut un mauvais dimensionnement des pales par rapport aux conditions maritimes du site. Autrement dit, la connaissance du lieu d'implantation est primordiale et l'hydrolienne doit être étudiée et optimisée en fonction du potentiel énergétique et aux conditions environnementales du lieu. Au large de l'île de Bréhat, le courant est de 3 m/s.
3- La mise à l'eau de la machine.
Le projet de Paimpol-Bréhat cherche à surmonter des enjeux opérationnels. Le premier est celui de mettre à l'eau, par 35 mètres de fond, une superstructure de 16 mètres de haut. La logistique et l'installation sont deux enjeux importants.
4- Le fonctionnement.
L'intérêt du projet est de tester la production d'énergie sur un temps donné, de vérifier les calculs de rendement et de s'assurer de la qualité de fonctionnement général de l'hydrolienne. Elle est équipée de multiples capteurs et autres instruments de mesure pour pouvoir livrer un panel d'informations.
5- La récupération de la machine.
Fin 2011, cette hydrolienne pilote sera sortie de l'eau. L'enjeu est de tenir compte de l'environnement et des conditions maritimes du site (météo, marée et courants, etc.), pour la récupérer de la meilleure des manières.
6- Le vieillissement des matériaux.
Les équipements et les matériaux de l'hydrolienne doivent pouvoir résister à un environnement marin sur une période minimum de 20 ans. Ils doivent faire face à la corrosion, résister à la puissance des courants, ne pas dégrader ni perturber l'environnement naturel, etc.
7- Le rendement de l'hydrolienne.
La question porte sur le facteur de charge, ou yield en anglais, c'est à dire le pourcentage de temps de production de l'hydrolienne, sur un jour ou sur un an. La machine produit de l'énergie seulement au moment des marées. Le "taux de production" pourrait osciller entre 20 et 30 % de la journée. OpenHydro et DCNS communiqueront sur cette question après les tests de Paimpol-Bréhat.
8- La prédictivité de la production.
Si la production d'une hydrolienne est intermittente, elle est pour autant très prévisible. L'enjeu consiste à tirer profit de cette prédictivité (stabilité du réseau, intégration des énergies marines dans le réseau...).
9- Le coût de l'énergie.
Probablement le plus important, l'enjeu économique est capital dans le développement de l'hydrolienne, sur l'ensemble de son cycle de vie (installation, fonctionnement, entretien, maintenance, etc). Selon Frédéric Le Lidec, l'objectif est d'arriver à un coût de production du même ordre, voire inférieur à celui de l'éolien offshore actuellement (fourchette large de 120 à 250 ?/MWh, selon nos estimations).
10- L'inconnu.
Comme sur tous projets technologiques pionniers, il y aura des surprises. Les entreprises mènent aussi des projets de R&D pour être capables de faire face à l'inconnu. Ce sera aussi le cas pour le projet de Paimpol-Bréhat.
"Notre philosophie est de disposer d'une performance optimale de l'hydrolienne, avec une production de qualité pendant 20 ans. Il faut la bonne équation entre le rendement et le coût de l'énergie. S'il faut diminuer le rendement pour avoir une production de qualité dans le temps, ce n'est pas un problème", juge Frédéric Le Lidec.

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Commentaire 1
à écrit le 20/09/2011 à 12:06
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article très intéressant... petite rectification néanmoins : la machine n'a pas encore été mise à l'eau au large de Bréhat.

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