Éolien offshore : le carré d'as européen des fabricants de turbines

Une quarantaine de fabricants de turbines dans le monde visent une part du marché éolien offshore, dont le segment européen est de loin le plus important avec 150 GW estimés en 2030, contre 4 GW actuellement. Mais tous ne sont pas au même niveau, et surtout quatre stars se détachent du lot : les allemands Siemens et REpower (groupe indien Suzlon), le danois Vestas et le français Areva forment en effet un carré d'as doté d'une avance indéniable, difficile à rattraper à moyen terme pour les concurrents.
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GreenUnivers fait le point sur ces quatre constructeurs dans ce premier volet de notre dossier. Le deuxième volet s'intéressera aux challengers qui cherchent à bousculer ce quatuor.

Quatre entreprises qui montrent l'exemple
Quelques tendances commencent à s'imposer sur le secteur et dicteront les règles du jeu du marché, note l'EWEA dans son dernier rapport sur l'offshore. Les deux pionniers, Vestas et Siemens, ont démarré en mer sur la base de leurs machines conçues pour la terre. Le "vieux" moulin offshore V112 de Vestas (3 MW) fut ainsi développé sur la base des modèles terrestres V90 et V80. Cette logique n'est plus : les turbines sont aujourd'hui spécialement conçues pour la mer et cette dynamique fait sortir le secteur de sa phase d'adolescence.
Avec sa V164 (7 MW), Vestas, par exemple, développe un modèle exclusivement conçu pour l'offshore. Et à l'image de cette méga-turbine de 7 MW, les moulins de demain seront tous ou presque de forte puissance, de 5 MW à court terme à 10 voire 15 MW dans une à deux décennies. À cet horizon, des ruptures technologiques (éolien à axe vertical, technologies basées sur les supraconducteurs, etc.) sont à prévoir. Nous y reviendrons dans le deuxième volet de ce dossier.

Des acteurs rassurant pour les banques
En attendant, les quatre as du secteur sont des entreprises expérimentées, avec plusieurs années d'avance technologique avant d'être sérieusement inquiétées, et disposant d'implantations industrielles rodées. Leur retour d'expérience sur leurs turbines déjà installées en mer en font des fournisseurs privilégiés pour les développeurs, soucieux de convaincre les banques de financer leurs projets fortement capitalistiques en s'appuyant sur des partenaires solides.
Sur la base des commandes fermes bouclées ces deux dernières années, le classement se présente ainsi : Siemens (70% des prises de commandes) largement en tête devant Areva (14%), REpower (10 à 12%) et Vestas (quelques %). Des statistiques livrées à GreenUnivers par Jean Huby, directeur d'Areva Wind. L'allemand Bard (avec une machine commerciale de 5 MW), actuellement à la recherche d'un repreneur, est un cas particulier que nous passerons en revue dans la deuxième partie.

Siemens, leader incontesté
Leader du marché éolien offshore, en partie grâce à une turbine best seller de 3,6 MW, Siemens est un acteur à la fois bien installé et ambitieux. Selon l'EWEA, il dispose d'un carnet de commandes de 3 GW à livrer à l'horizon 2014, date où sa dernière turbine de 6 MW doit entrer dans une production en série. Sa machine, d'un diamètre de rotor de 121 mètres (150 mètres prévus par la suite), utilisera une technologie de transmission directe (direct drive), aujourd'hui décrite comme une alternative crédible aux technologies de multiplicateur de vitesse en cours dans l'éolien terrestre. Siemens a installé un premier prototype sur un site test danois, à Høvsøre.
Aujourd'hui, sa turbine de 3,6 MW est produite au Danemark, à Brande, mais l'allemand planifie une usine au Royaume-Uni, à Hull, pour son modèle de 6 MW. Il fut le premier - via le spécialiste de l'éolien danois Bonus Energy qu'il a acquis en 2004 - à mettre une turbine à l'eau en 1991 au Danemark.

Vestas, le géant en retrait
Premier fabricant mondial de turbines (onshore + offshore), l'entreprise est avec Siemens le seul acteur vraiment bien établi sur le marché offshore. Co-leader avec son concurrent allemand jusqu'en 2010, Vestas se trouve actuellement très distancé sur les prises de commandes. Une situation due à un "gap commercial" entre son modèle de 3 MW en fin de course et sa méga-turbine de 7 MW en développement, attendue pour 2014-2015. Cette dernière disposera d'une technologie hybride entre un multiplicateur de vitesse et une transmission directe.
Vestas produit notamment ses machines au Danemark, mais sa turbine de 7 MW sera fabriquée au Royaume-Uni, en-dehors de prototypes et de pré-séries dont l'assemblage est prévu sur le parc industriel danois de Lindø. Des tests sont planifiés à Frederikshavn (Danemark) en partenariat étroit avec l'énergéticien Dong Energy. Au Royaume-Uni, Vestas a pris une option sur le port de Sheerness pour y installer une usine intégrée verticalement (production de composants et assemblage final).

Areva Wind devient grand
L'entreprise monte indéniablement en puissance, avec une stratégie couronnée de succès ces deux dernières années. Au début des années 2000, Areva voulait entrer sur le marché offshore et cherchait à s'emparer d'un acteur "expérimenté". Il vise d'abord le danois Bonus, qu'il se fait chiper par Siemens en 2004. Il regarde alors vers l'allemand REpower, mais se fait doubler par l'indien Suzlon en 2007 !
Areva parie alors sur la start-up allemande Multibrid en 2007 (et prend 51% de son capital). Deux ans plus tard, le groupe achète le producteur de pales allemand PN Rotor, afin de mieux maîtriser les performances de l'éolienne M5000 conçue par Multibrid. Dans la foulée des déboires de Multibrid sur le parc AlphaVentus en 2010, Areva Wind met la main sur 100% de sa filiale. Le groupe dispose aujourd'hui d'une turbine de 5 MW (rotor de 116 mètres ou 135 mètres de diamètre) dotée d'une technologie hybride entre un multiplicateur de vitesse et une transmission directe.
Areva Wind dispose d'une base industrielle en Allemagne (Bremerhaven et Stade), dont il souhaite doubler la capacité (100 à 120 machines par an, soit 500 MW minimum). Il vise aussi une implantation au Havre en France (500 MW de capacité), voire au Royaume-Uni à terme. Le groupe a sécurisé 600 MW de commandes fermes, et finalise actuellement 600 MW supplémentaires. Il vient de nommer un directeur expérimenté au Royaume-Uni pour attaquer le marché britannique.

REpower, la force tranquille
Le groupe a parié dès le début sur une turbine de 5 MW, qu'il a déployée sur plusieurs sites tests : Beatrice (Royaume-Uni - 2007), Thornton Bank (Belgique - 2009) et Alpha Ventus (Allemagne - 2009). REpower privilégie aujourd'hui la vente d'un modèle de 6,15 MW, dont deux unités viennent d'être vendues à l'énergéticien RWE Innogy, pour étendre la capacité du parc Westereems (Pays-Bas). Au total, l'allemand a un carnet de commandes d'au moins 650 MW, notamment pour Ormonde, Nordsee-Oest et ThorntonBank phases 2 et 3.
REpower dispose d'une base industrielle à Bremerhaven en Allemagne, d'une capacité qui va passer de 600 MW à 900 MW par an. L'entreprise prévoit aussi de s'implanter au Royaume-Uni pour produire son moulin de dernière génération, composée d'une technologie reposant sur un multiplicateur de vitesse. Suzlon, sa maison mère indienne qui ne produit pas de turbines offshore, pourrait aussi lui ouvrir plus facilement le marché asiatique.
 

 

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