Le crowdsourcing au service des réseaux intelligents

Freiné par un modèle économique incertain, le développement des smart grids pourrait trouver un second souffle grâce à l'émergence d'applications web participatives. Une Tribune de Matthieu Zekri, consultant du cabinet mc2i Groupe.
Leafully

Le crowdsourcing est une pratique qui consiste à déléguer une tâche traditionnellement effectuée par une personne dans une organisation, à un large groupe de personnes en leur mettant à disposition des données et informations généralement non diffusables. Cette pratique permet d'obtenir des solutions plus innovantes, plus rapidement, à un coût moindre. Comme l'illustre la réussite de logiciels open source (Linux, Firefox...) ou de sites au contenu généré par ses utilisateurs (Wikipedia, Youtube...). En obtenant l'intérêt des consommateurs pour les smarts grids via des projets basés sur des méthodes de crowdsourcing, les pouvoirs publics espèrent ainsi surmonter les obstacles qui freinent aujourd'hui le développement des réseaux intelligents.

Smart Grids en Europe : les enjeux et le contexte

Les dispositifs de smart grids via les compteurs intelligents, et autres outils de pilotage du réseau électrique, s'ils se développent efficacement, permettront de répondre aux enjeux liés à l'évolution de notre consommation d'électricité. C'est-à-dire analyser à la maille la plus fine les habitudes de consommation, fiabiliser le réseau, lisser la consommation et enfin limiter l'usage des centrales les plus polluantes.

En Europe, même si sous l'impulsion d'une réelle volonté politique, de nombreux projets d'expérimentations ont été lancés, le développement des smart grids reste freiné par un modèle économique toujours incertain, et sans doute un manque de communication et de pédagogie auprès des consommateurs dont le manque d'acceptation de cette technologie reste toujours à craindre. En effet, comme la plupart des nouvelles technologies, si prometteuses soient elles, le succès des réseaux intelligents est principalement lié à son acceptation sociale. Celle-ci dépend aujourd'hui en partie des garanties en matière de confidentialité des données recueillies.

Une dynamique plus vivante aux USA

Pour relever ce défi, une nouvelle initiative basée sur une méthode de Crowdsourcing relance l'enthousiasme du public envers les réseaux intelligents outre Atlantique : « Green Button ». Lancé en Janvier 2012 en réponse à une volonté du gouvernement américain, ce projet consiste à mettre en place des standards techniques sur la base d'un partenariat public-privé, afin de collecter grâce aux infrastructures de réseaux intelligents existants des fournisseurs d'énergies, les données de consommation d'électricité, d'eau et de gaz naturel d'environ 12 millions de foyers aux Etats Unis. Parallèlement, le challenge « AppforEnergy » ouvre l'accès à ces données (à l'échelle d'une zone géographique, et non à celle d'un foyer) et encourage des centaines de sociétés et de développeurs indépendants à imaginer des applications web et mobiles innovantes pour aider les consommateurs d'énergie à utiliser ces informations, afin d'impulser le passage vers une nouvelle ère dans la relation entre l'homme et l'énergie.

Depuis, plus d'une cinquantaine d'applications web et mobiles ont été créées telles que Leafully, Velobill, Wotz, IEnergy. Elles proposent une représentation de la consommation d'énergie simple à un niveau de détail horaire. Elles montrent aux utilisateurs l'impact de leur mode de vie sur l'environnement, leur permet de comparer leur consommation par rapport à la moyenne, ainsi qu'à leurs contacts sur Facebook ou d'autres réseaux sociaux. Via des conseils personnalisés en matière d'économies d'énergie, chaque utilisateur peux prendre conscience des réductions sur ses dépenses ainsi que sur son impact sur l'environnement dont il est capable. Permettant aux consommateurs de se sentir personnellement impliqués, ces applications peuvent les encourager à s'équiper d'infrastructures smart home. Cela suscitera également l'implication des jeunes générations. L'enjeu est de créer une réaction en chaîne et d'enclencher un cercle vertueux si ces applications amènent les consommateurs d'énergie à comprendre l'utilité de consommer différemment.

Cette prise de conscience de l'implication des consommateurs dans les projets d'expérimentation, en les faisant adhérer à l'intérêt de ces investissements, est cruciale. En Europe, il existe également un pôle d'expertise qui regroupe grand nombre de producteurs européens (SEDC, Smart Energy Demand Coalition) dont le but est la mise en commun des résultats des expérimentations smart grids. Des applications smartphone existent aussi, mais utiliser le pouvoir créatif de la foule via un projet de Crowdsourcing en rendant ces données publiques, permettrait d'accélérer le processus et aboutirait à la mise en place de meilleurs outils pour impliquer les consommateurs dans ce challenge.

Des systèmes d'informations qui doivent s'adapter:

Si les technologies chargées d'agréger toutes ces données et de les mettre à disposition des développeurs d'applications existent aujourd'hui, et sont en mesure de supporter une volume de données très importante, elles devront aussi assurer leur confidentialité. En effet, le frein à la mise en place de tels dispositifs en Europe est notre culture moins ouverte à la mise à disposition d'informations. Les données de consommation d'énergie sont considérées dans le secteur professionnel comme des ICS (Informations Commercialement Sensibles). Concernant les particuliers, la crainte pour la préservation de la vie privée et de la liberté des citoyens avait été invoquée en 2011 lorsque la mairie de Paris a rejeté l'installation des compteurs électriques communiquant.

Ainsi, les systèmes d'informations qui géreront ces données devront garantir la confidentialité de ces données, et ne devront permettre qu'une exploitation massive et non à la maille individuelle. Evidemment, les réseaux intelligents sont plus développés aux Etats Unis qu'en Europe en partie grâce à un contexte plus favorable avec un réseau électrique vieillissant, donc plus propice à de nouveaux investissements. En revanche, rien n'empêche les européens d'impliquer plus les consommateurs dans leurs projets expérimentaux en utilisant l'innovation ouverte, qui a rencontré déjà tant de succès depuis l'ère internet.

Bio express de l'auteur
Diplômé de l'ISC Paris, Matthieu Zekri a rejoint mc2i Groupe, cabinet de conseil en Systèmes d'Information et en Organisation en 2012. Il intervient dans un grand groupe industriel en mission de conseil sur la conduite du changement de la chaîne applicative gérant les clients « haut de portefeuille ».

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