Il y a vingt ans, le père d'une amie peintre s'est suicidé après une banqueroute. Un ami commun m'a dit d'elle peu après : « Remarque, c'est ce qui pouvait lui arriver de mieux, pour sa peinture. » Tout en comprenant ce qu'il voulait dire ? sans ce riche papa, elle devrait se confronter au réel, et son travail artistique progresserait ?, j'ai été choquée par l'obscénité de ce commentaire : de quel droit s'érigeait-il en juge spirituel du malheur d'autrui ? 2009 s'annonce apocalyptique. Tel un château de cartes, de nombreuses institutions risquent de basculer les unes après les autres. Les gens vont perdre leur travail, leur maison, leurs biens. Il y aura des désespoirs et des suicides. Devant le monde qui s'écroule, je suis tentée de dire, comme mon ami : « Remarque, c'est peut-être ce qui pouvait nous arriver de mieux. » S'arrêter. Ralentir la roue du temps. Regarder les nuages ou les reflets du ciel sur l'eau. Ne pas vérifier ses e-mails, ne plus lire ses SMS et écouter ses messages. Se déconnecter. Ce n'est plus possible ? nous vivons dans un monde où nous ne pouvons plus échapper à la course après le temps qui court et la richesse à gagner. Il serait obscène de dire au père au chômage : « Tu as le temps de te promener et de lire ! » Toutefois, si j'ai un v?u à exprimer pour 2009, le voici : que le refuge que chercheront des êtres désemparés ne soit pas dans l'alcool et la drogue, mais qu'ils aient la force de partir pour recommencer, ailleurs, avec des besoins et des dépenses moindres, et qu'ils retrouvent au coin d'un feu l'étincelle d'un contact humain ou d'une méditation solitaire. n

latribune.fr

14 Jan 2009, 1:30

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