Retraites  : « ne pas laisser le système par répartition dépérir »

thomas piketty, professeur à l'École d'économie de ParisVous proposez une refonte totale de notre système de retraite. Les dernières réformes n'étaient pas pertinentes ?Il faut sortir du rafistolage. Notre système est vécu comme anxiogène, les jeunes générations n'ont aucune visibilité sur ce qu'ils toucheront à la retraite. Une incertitude engendrée par l'extrême complexité. Un fonctionnaire passé dans le secteur privé dépendra d'au moins trois régimes différents, et c'est encore plus compliqué pour ceux qui auront touché des droits d'auteur, travaillé un temps à l'étranger ou évolué vers un statut de cadre. On compte aujourd'hui une moyenne de 2,5 types de pensions par personne. Pour les jeunes générations, ce sera demain jusqu'à 6 ou 7 régimes différents et, bien souvent, des cotisations perdues en cours de route. Chaque régime dispose de ses propres règles de calcul, sans parler des surcotes, décotes? Personne n'y comprend plus rien.Quelle solution préconisez-vous ?Nous proposons un système fondé sur l'unification de tous les régimes ? publics, privés, non salariés, complémentaires, etc. ? avec pour chacun un même taux de cotisation, qui ouvre de mêmes droits à la retraite. C'est-à-dire une équité absolue, alors que la méfiance à l'égard du système vient aussi de ce que chacun a l'impression que d'autres s'en sortent mieux qu'eux. Le principe est de créer des comptes individuels sur lesquels seraient inscrites les cotisations versées tout au long de la carrière. Ces cotisations ne seraient pas placées, mais serviraient à payer la même année les pensions des retraités. L'État devrait en outre revaloriser les cotisations virtuellement accumulées sur les comptes individuels, en appliquant le taux de croissance de la masse salariale, soit environ 2 points en plus de l'inflation.Votre système, entièrement contributif, ne risque-t-il pas de pénaliser les carrières accidentées ?Calculer une pension sur les meilleures années favorise toujours les carrières ascendantes et les plus favorisés. Le système fondé sur des comptes individuels avantage en revanche les carrières longues et plates. Il faut par ailleurs conserver la solidarité du système actuel. Je crains une dérive de notre système vers les régimes anglo-saxons, qui versent des pensions forfaitaires peu élevées, et quasi déconnectées des cotisations versées. De plus en plus de Français liquident en effet leur retraite au niveau du minimum contributif.Comment un tel système peut-il venir à bout des déficits considérables entraînés par le choc démographique du baby-boom ?Il nécessite une longue période de transition, d'une vingtaine d'années, après avoir été validé par un débat public, suivi d'élections. S'il était mis en place à compter de 2012, il pourrait pleinement s'appliquer et s'autofinancer en 2032. Reste donc à régler les déficits des vingt prochaines années, provoqués par la bosse du baby-boom. Il faudrait pour cela faire jouer un rôle central et clarifié au fonds de réserve des retraites (FRR), auquel il faudrait enfin consacrer des ressources exceptionnelles.N'est-ce pas difficile à envisager en période de crise ?Si rien ne change, la confiance dans notre système continuera de s'éroder, ce qui à long terme fera le jeu des retraites par capitalisation, le système par répartition dépérissant lentement. Alors que la crise actuelle montre à quel point les marchés financiers offrent peu de sécurité. Nous ne pouvons pas jouer aux dés avec les retraites.Propos recueillispar Véronique Chocron* « Pour un nouveau système de retraite », d'Antoine Bozio et Thomas Piketty, Éditions Rue l'Ulm et disponible sur Internet.Nous proposons des comptes individuels sur lesquels seraient inscrites les cotisations versées tout au long de la carrière. Ces cotisations ne seraient pas placées, mais serviraient à payer la même année les pensions des retraités.
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