Opération séduction entre Paris et Washington

Love and Peace » : ce slogan des sixties semble réhabilité avec le sommet de l'Otan, qui se tient depuis hier à Strasbourg. Il marque le soixantième anniversaire de l'Alliance transatlantique, visant à préserver la paix et la liberté dans le monde, mais surtout, signe le retour officiel de la France au sein de l'Organisation. Tout en étant actif sur plusieurs théâtres d'opérations, Paris n'appartenait plus, depuis le retrait décidé par de Gaulle en 1966, à la structure de commandement intégré. L'événement marque enfin l'accueil officiel, pour la première fois, du président américain Barack Obama par son homologue français. Nicolas Sarkozy « l'Américain » ? on connaît son goût pour les tee-shirts estampillés « NYPD » et ses vacances huppées dans le New Hampshire?, face à Obama le cosmopolite ? à défaut d'être européen ? qui a clos le chapitre unilatéraliste de Bush. Entre Paris et Washington, une nouvelle idylle, alimentée par la forte popularité du président américain, viendrait se substituer à la relation de rejet et d'attirance qui marquait jusqu'à présent la relation franco-américaine. « Les différends diplomatico-militaires, le plus récent étant l'Irak, avaient eu tendance à intensifier les autres divergences », remarque Stephen Larrabee, à l'institut Rand, à Washington. On pense au commerce ? du b?uf aux hormones au Roquefort. Pacifiée sur le front de la défense, la relation transatlantique pourrait donc de nouveau prospérer sur tous les autres. « La relation entre dans une nouvelle phase, mais elle peut encore redéraper », nuance toutefois Clara O'Donnell, chercheuse au Centre de réforme européen, à Londres. Ainsi, le succès du G20 pourrait être périodiquement malmené. « effet de balancier »Peu avant la réunion de Londres, l'Europe et les États-Unis se sont en effet renvoyés la balle, les premiers souhaitant plus de réglementation financière et les deuxièmes plus de relance. Les deux éléments figurent dans le communiqué. Mais la crise est là pour durer. « Dans ces conditions, des frictions sur les futures actions à mener peuvent toujours émerger », conclut Clara O'Donnell. Et, tel un effet de balancier, elles viendraient polluer d'autres dossiers ? y compris militaires. On pense à l'Afghanistan. Déjà, la France a indiqué qu'elle n'y enverrait pas de troupes supplémentaires, comme l'avait un temps espéré Obama. Il ne reste plus au président américain qu'à parier sur un approfondissement de la politique de défense et de sécurité de l'Europe. Car à l'inverse de Bush, Obama soutient cette politique. Et le retour de la France dans le giron de l'Otan y contribue. En réchauffant ses relations avec les États-Unis, la France renforce l'Europe. Une bonne chose pour tout le monde. Ou presque. Car les Britanniques pourraient se sentir orphelins face à cette nouvelle entente cordiale. L'Europe désormais unie, le rôle dévolu aux Britanniques par les Américains ? celui de leur servir de « faux nez » en Europe, n'a plus lieu d'être. Reste enfin à savoir si ces évolutions modifieront la place de la France et des États-Unis dans le monde. Récemment invités à un même débat, Jon Spector, PDG du Conference Board (fédération d'entreprises américaines) relativisait le poids des États-Unis dans l'économie mondiale de demain et soulignait que l'effort général pour réglementer la finance pouvait « réellement bénéficier des expériences de la France et de l'Europe en matière de gouvernement supranational ». En revanche, Michel Cicurel, le président du directoire de la Compagnie financière Edmond de Rothschild Banque, croit toujours dur comme fer à l'Amérique, appelée à retrouver, une fois la crise passée, sa place de modèle « en raison de sa plasticité, de la suprématie écrasante de sa recherche, et de l'exceptionnelle vitalité de sa démocratie ». Bref, à vouloir faire assaut de politesse, la France et les États-Unis sont déjà en désaccord !
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