Se remet-on jamais de la mort de son enfant ? Le 23 janvier d'une année comme une autre, à 8 heures du matin, Denis d'Aubigné, 20 ans, s'est jeté du septième étage d'un immeuble du XVe arrondissement de Paris. Pourquoi ? Nul ne le sait. D'autant que le jeune homme n'a rien laissé pour expliquer son geste. Pire encore, personne n'a vu venir ce drame qui éclabousse toute sa famille d'une douleur indicible. Il faut alors pour chacun de ses proches réenvisager sa vie et reconfigurer ses relations familiales à l'aune de l'absence.Ariane Bois raconte cette histoire probablement autobiographique dans un livre magnifique, « Et le jour pour eux sera comme la nuit », dont le titre est emprunté à un vers de Victor Hugo (« Demain, dès l'aube »). Dès les premières lignes, l'auteur, grand reporter, impose un style fait de phrases courtes, dénudées, composées de mots simples. Mais il y a ici surtout un ton. Pas question de s'apitoyer sur son sort, ou de donner la douleur du deuil en pâture. Seuls comptent les faits, relatés de manière quasi clinique, sans pour autant livrer un récit désincarné.Ariane Bois dissèque avec une extraordinaire justesse la manière dont chacun subit le drame. La mère amputée est anesthésiée par la douleur, incapable de voir les siens. Le père, médecin, a perdu le sens de la vie. Alexandre, le fils cadet, se sent transparent. Et Diane, la s?ur aînée, est retombée en anorexie, la seule manière pour elle de contrôler quoi que ce soit.Au fil des pages, d'une sobriété exemplaire, perce une émotion. Elle gagne peu à peu le lecteur, l'étreint. Mais rien de mortifère là-dedans. On se sent au contraire plus fort, plus humain à la lecture de ce premier roman. Yasmine Youssi « Et le jour pour eux sera comme la nuit », d'Ariane Bois, Ramsay Littérature, 128 pages, 15 euros.

latribune.fr

22 Mai 2009, 1:48

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