Ces PME qui soignent leurs seniors

Es tempes grises ne sont pas légion, à première vue. Au siège social de Cari, un groupe né de la fusion d'entreprises régionales du BTP, on croise même plus souvent des femmes que des seniors. Cette PME vient pourtant d'être primée pour sa " stratégie d'élargissement de la pyramide des âges "." Nous ne cherchons pas à augmenter la proportion de seniors, mais au contraire à la diminuer tout en conservant nos aînés. Nous travaillons sur le transgénérationnel ", précise Robin Sappe, le directeur du développement ressources humaines et de la diversité de Cari. Comme la majorité des entreprises du secteur, Cari souffrait à sa création en 2004 d'une pyramide des âges déséquilibrée. " Les départs à la retraite risquaient de nous faire perdre notre vitalité. Tout un savoir allait disparaître, ajoute Robin Sappe. Nous avons donc mis en place des systèmes de transmission de savoir. " Une tâche ardue. Les 2.400 salariés de Cari se répartissent dans toute la France, de Villeneuve-d'Ascq, près de Lille, à Carros, sur la Côte d'Azur, son siège social." Une de mes principales missions consiste à trouver du personnel pour satisfaire nos besoins, explique Robin Sappe. Dès 2004, nous avons dégagé trois cibles prioritaires : les jeunes, les femmes et les seniors. " Ces derniers auront pour mission la formation des deux autres populations. L'âge a disparu des critères discriminants lors des entretiens d'embauche. La qualité de senior devient même un atout quand il s'agit de recruter du personnel d'encadrement. Cari utilise également le dispositif de cumul emploi retraite pour conserver ses collaborateurs ayant dépassé l'âge de départ. " Dans notre branche, les chantiers fonctionnent un peu comme des tribus, constate Robin Sappe. Depuis toujours, les tâches exigeant de gros efforts incombent aux jeunes alors qu'il sera demandé aux plus anciens de valoriser leur expertise. "UNE PRIME MENSUELLE DE 100 EUROSCari remet au goût du jour le tutorat. Tout nouvel arrivant, quel que soit son âge, est pris en charge par un aîné présent sur le même chantier. En fonction des besoins et de la spécialité, le binôme restera en place entre trois et vingt-quatre mois. Le tuteur, un senior volontaire, reçoit une prime mensuelle de 100 euros. S'ils n'ont pas de formation, les nouveaux embauchés passent également par les écoles Cari Jeune : dix mois en alternance avec une semaine de cours et trois semaines de chantier. À 60 ans, Amado Garrido est chef de projet formation-transmission de savoir. " Je suis maître compagnon. Ce titre désignait au moyen âge les bâtisseurs de cathédrales, glisse-t-il avec une pointe de fierté. J'ai commencé comme mousse, je portais à boire. " Tous les formateurs placés sous son autorité sont des seniors " maison " ayant bénéficié d'une formation en animation. " J'accompagne, je transmets ", explique-t-il. En quatre ans, les seniors de Cari ont formé 190 novices, titulaires d'une formation en mécanique, carrosserie, coiffure. " Les jeunes arrivent sans éducation. Nous les recadrons, leur donnons des règles. Leurs tuteurs viennent du même monde qu'eux, cela facilite les choses. "Primé également, cette fois pour sa " transmission intergénérationnelle du capital métier ", Convers Telemarketing a mis en place depuis une dizaine d'années une stratégie répondant à des besoins radicalement différents. Pour son fondateur et directeur général, Philippe de Gibon, il s'agissait de marquer sa différence avec les centres d'appels délocalisés : " Nous avons joué la qualité de service. Il nous fallait pour cela tuer le turnover, véritable plaie de la profession, et donc changer la typologie de notre personnel, composé à 85 % d'étudiants. Nous visions les mamans actives. " Pour séduire ce public, Convers Telemarketing met en place un système de temps choisi et offre à ses 130 salariés un salaire légèrement supérieur à ceux de ses concurrents. " Et là, surprise, en plus des mamans de 35-45 ans, des seniors sont venus frapper à la porte, se félicite Philippe de Gibon. Personne n'aurait parié un kopek sur un senior dans un centre d'appels, avec un casque sur la tête et une souris dans la main. " Mais l'inconcevable se produit. Non seulement les seniors sont à la hauteur, mais ils font baisser le taux d'absentéisme et montrent une bonne résistance à l'échec.Pour Philippe Souris, 51 ans, téléopérateurs chez Convers Télémarketing depuis six ans, " l'outil informatique effraie un peu au départ, mais on s'y fait vite ". Cet ancien VRP estime que, " dans l'entreprise, les gens se rassemblent par affinité et non par classe d'âge ". Effectivement, au moment du déjeuner, les groupes qui défilent devant l'ascenseur sont pour le moins éclectiques. Convers Telemarketing emploie aujourd'hui 10 % d'étudiant, 60 % de " mamans " et 30 % de seniors. Le turn ver dépasse à peine les 7 % contre 30 % en moyenne chez les concurrents." ON NE PEUT PAS FAIRE CLAQUER LES FOUETS "Le doyen de la société a 75 ans. Ancien ingénieur des Arts et Métiers, Jean Charpa travaille comme téléopérateur depuis huit ans. " Il ne voulait pas rester chez lui à se morfondre ", explique Philippe de Gibon, qui rejette les clichés : " Un senior arrive très bien à tenir une cadence. " À condition d'adapter le management. Le patron de Convers Telemarketing en convient : " Avec eux, on ne peut pas monter sur les tables et faire claquer les fouets. "Pour adapter son management à ses téléopérateurs, Convers Telemarketing a recruté des seniors dans son encadrement. Mieux, cette politique de respect a poussé la PME à ouvrir en 2008 des dossiers lourds comme la mise en place d'entretiens professionnels et d'évaluation, de plans de formation... " Cette écoute, ce sérieux nous permettent d'attirer un personnel de qualité ", se félicite Philippe de Gibon. L'intégration semble tellement réussie que les élus du comité d'entreprise et les responsables des trois syndicats implantés dans l'entreprise sont aujourd'hui tous des seniors.Au même niveau que PSA, L'Oréal ou ArevaAux côtés des PME Cari et Convers, PSA, Areva, L'Oréal et Degrémont sont cette année les récipiendaires de la troisième édition des trophées de la diversité. Les quatre groupes sont récompensés eux aussi pour leurs stratégies mises en place en faveur des seniors. L'organisateur de cette manifestation, le cabinet de conseil en ressources humaines Diversity Conseil, souhaite sensibiliser les entreprises aux bonnes pratiques en matière d'intégration de population fragiles.
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