L'Europe de la gestion avance à pas comptés

Dans son discours d'ouverture des cinquièmes Entretiens de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Gérard Rameix, secrétaire général de l'AMF, a déclaré que « la gestion d'actifs est à une étape clé de son développement ». La crise n'a pas épargné la France et l'Europe, obligeant à repenser le rôle des régulateurs et accélérer la construction du marché unique de la gestion. Sur ce point, « les négociations avancent vite au Parlement européen », a déclaré Niall Bohan, chef d'unité gestion d'actifs pour le compte de tiers à la Direction générale marché intérieur et services de la Commission européenne, présent aux entretiens de l'AMF. Le projet de directive UCITS 4, dont les travaux ont démarré en 2005, est entré dans la dernière ligne droite. « Un consensus politique devrait intervenir d'ici à Noël pour une adoption du texte au printemps 2009 », a indiqué Niall Bohan. Ces derniers mois, de nombreux progrès ont été réalisés, notamment sur la question du passeport européen des sociétés de gestion. À l'origine exclu de cette directive, le CESR (Committee of European Securities Regulators) a émis sur ce point le 31 octobre un avis favorable, adopté à la majorité qualifiée moins cinq pays (lire encadré). Une société de gestion pourra gérer un fonds coordonné dans un autre État membre que celui où elle est implantée. « À terme, cela optimisera la structure organisationnelle des sociétés de gestion », indique Peter de Proft, directeur de l'Efama (European fund and Asset Management Association). Reste à définir les compétences respectives de l'autorité agréant le fonds par rapport à celles du régulateur de la société de gestion. Pour Peter de Proft, « le passeport ne devra pas vider de sa substance le contrôle effectué dans le pays de domiciliation du fonds ». De même, la question d'un point de contact local facilitant les démarches des investisseurs n'est toujours pas tranchée.Autres mesures réduisant les coûts des sociétés de gestion et renforçant la compétitivité de l'industrie européenne?: les fusions de fonds et les fonds maîtres nourriciers transfrontaliers. Avec la crise, les rapprochements entre établissements financiers, qui ont déjà commencé, risquent de se poursuivre. Si ces structures ont une activité de gestion d'actifs, des doublons dans les gammes de produits apparaissent. Il est nécessaire, et recommandé, de rationaliser l'offre en fusionnant des fonds, cela permettra des économies d'échelle. Mais aussi de retirer du marché les supports affichant de mauvaises performances. À noter que sur les fusions de fonds, l'Efama a soulevé la question de la taxation à laquelle la directive n'apporte, à ce jour, aucune réponse harmonisée (lire entretien). Quant aux fonds maîtres nourriciers transfrontaliers, la réplication d'un produit dans plusieurs pays permet des gains de productivité puisqu'il y a une gestion pour de multiples véhicules d'investissement. Pour que ces mesures de réduction de coûts ne profitent pas uniquement aux sociétés de gestion, une partie des économies d'échelle doit se diffuser le long de la chaîne de valeur jusqu'aux souscripteurs. Avec des frais de gestion et de distribution moins élevés et une meilleure information sur les produits vendus. du pain sur la plancheLa directive européenne substituera au prospectus simplifié imposé par la MIFID (Market in Financial Instruments Directive) un «key investor information ». Ce document de deux pages standardisé, facilitant ainsi la comparaison entre les produits, indiquera des « informations clés » comme la stratégie d'investissement, le profil rendement-risque, les frais et commissions, la performance passée. Mais ce document ne verra pas le jour avant 2010, voire 2011, le temps pour les sociétés de gestion d'amortir les frais engagés pour le prospectus simplifié. Mais aujourd'hui, le débat porte sur le nouveau régime de responsabilité et sur l'absence d'exigence de la remise effective du prospectus par le distributeur.Si l'industrie se félicite de ces avancées, Niall Bohan reconnaît qu'il reste beaucoup à faire, la directive n'abordant pas plusieurs points. Comme celui des produits dits substituables. « Quand on compare un fonds coordonné et un contrat d'assurance-vie en unité de compte (UC), le premier indique les risques et avantages dans le document publicitaire mais pas le second, regrette Guillaume Prache, président de l'Association nationale des fonctionnaires épargnants pour la retraite. De même, un fonds de fonds doit déclarer le total des frais alors que, dans un contrat d'assurance-vie en UC, les deux tiers des frais sont cachés. » Même constat pour le délai du passeport produit. Aujourd'hui, il est juridiquement de deux mois pour un OPCVM contre trois jours pour certains produits structurés comme un EMTN, un certificat. Simplement parce qu'ils dépendent de la directive prospectus et pas UCITS 4 alors qu'ils sont souvent distribués de la même façon. L'AFG (Association française de la gestion financière) propose de réduire ce délai à trois jours. La Commission européenne, le Conseil et le Parlement européens sont prêts à le faire mais dans une marge qui reste à négocier. Enfin, seuls les fonds coordonnés sont concernés, la Commission européenne devra proposer des solutions pour les autres produits comme les FCPE, les produits de gestion alternative. L'industrie demande donc à être traitée comme les autres acteurs et produits, c'est-à-dire qu'il y ait un véritable « level playing field » (traitement équitable). La directive UCITS 4 ne peut donc pas tout régler. Elle n'apporte pas de réponses aux problèmes de liquidité, de transparence. Les sociétés de gestion et les régulateurs sont confrontés à un environnement nouveau dans lequel la gestion de situations d'urgence devient primordiale. Pour une meilleure appréhension des risques de marché, la coordination entre régulateurs, tant à l'échelle nationale qu'à l'européenne et l'internationale, apparaît plus que jamais nécessaire. De plus, cette crise sera à terme l'occasion d'une réflexion sur la nature des produits distribués en tentant de trouver un équilibre entre innovation financière et protection des investisseurs, et marquera un retour à des produits plus simples favorisant l'épargne de long terme.
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