le recours au juge peu usité

On continue comme avant, ou presque? Telle est la posture adoptée par le gouvernement au lendemain de la censure par le Conseil constitutionnel de la loi de lutte contre le piratage sur Internet. « L'économie de la loi n'est pas remise en cause par le Conseil constitutionnel, qui a validé 90 % du texte », a assuré Christine Albanel. Idem pour Nicolas Sarkozy, pour qui « la décision du Conseil ne remet pas en cause le fond du texte », selon l'Élysée, où une réunion sur le sujet a eu lieu hier après-midi.Certes, la haute juridiction a interdit que l'Hadopi (l'autorité administrative indépendante instaurée par la loi) coupe l'accès Internet des pirates présumés, estimant que seule la justice pouvait le faire. Qu'à cela ne tienne ! Christine Albanel a immédiatement annoncé un nouveau texte de loi qui confiera cette tâche au juge. La ministre de la Culture a même évoqué « la création de tribunaux de grande instance spécialisés en droits d'auteur dans le cadre du redécoupage de la carte judiciaire ». Une idée dont la chancellerie n'était pas informée?Un texte mort-néSurtout, confier la coupure à un juge réduit l'ambition du projet. En effet, Christine Albanel avait dit tabler sur 1.000 coupures par jour. Un nombre peut être à la portée d'une autorité administrative, mais moins de la justice. Pour le député (UMP) Lionel Tardy, « les tribunaux seront bien incapables de prononcer 1.000 suspensions par jour, tout en assurant le contradictoire. Ce texte est donc mort-né, car la sanction finale est inapplicable ». Inversement, pour le rapporteur (UMP) du texte Franck Riester, « clairement, il faudra se donner les moyens de pouvoir traiter correctement ces dossiers, peut-être avec des juges spécialisées dans le droit d'auteur ».Mais un autre problème se pose. Désormais, « la question de savoir qui est l'auteur du piratage sera tranchée par le juge seul au moment où il prononce la sanction, après enquête », explique-t-on au ministère de la Culture. Autrement dit, le juge devra démontrer la culpabilité de l'internaute. Ce qui n'est pas évident : « L'imputabilité des actes à un internaute particulier est impossible à établir sans la visite de son disque dur », estimait ainsi en 2007 le rapport du magistrat Jean Cedras.Le gouvernement avait tenté d'esquiver cette question dans la loi Hadopi, qui se proposait de condamner un internaute sans prouver qu'il avait commis un piratage. La loi voulait le sanctionner uniquement parce que des actes de piratages avaient été repérés sur son accès Internet. Ce qui était très facile à démontrer en surveillant les réseaux peer-to-peer. Mais cela n'était pas très fiable, car un accès Internet pouvait très bien être détourné par un pirate à l'insu de l'abonné. Dans ce cas-là, la loi prévoyait que l'internaute échappe à la sanction s'il apportait la preuve de cette utilisation frauduleuse de son accès.Ce système a été mis à bas par le Conseil constitutionnel, selon qui, il ne respectait pas la présomption d'innocence. Apparemment, le ministère de la Culture était bien conscient de cette faiblesse, et craignait une censure sur ce point. Dans une concession de dernière minute qu'il n'avait pas évoquée devant le Parlement, il avait promis que l'internaute pourrait « aisément » démontrer son innocence : « L'abonné pourra se borner, à défaut d'éléments probants à sa disposition, à produire une attestation sur l'honneur déclinant sa responsabilit頻, promettait le gouvernement dans sa plaidoirie auprès du Conseil constitutionnel. Autrement dit, le gouvernement proposait lui-même de rendre la loi totalement inopérante pourvu que les sages ne la remettent pas en cause?Enfin, plusieurs députés UMP ont de nouveau proposé hier que l'Hadopi inflige une amende à l'internaute, sans le priver d'accès Internet, donc sans attenter à sa liberté d'expression. Mais la rue de Valois est toujours réticente à cette idée, craignant qu'elle soit aussi jugée anticonstitutionnelle. nAvant l'Hadopi, et donc selon les textes encore en vigueur, le piratage sur Internet est considéré comme une contrefaçon passible de trois ans de prison et 300.000 euros d'amende. Mais cette procédure est peu utilisée. Le rapporteur UMP de la loi Hadopi au Sénat, Michel Thiollière, a recensé 120 affaires « traitées ou en cours » devant les tribunaux de grande instance à fin mars 2008, et autant en appel. Les amendes infligées vont de 500 à 3.500 euros, rarement accompagnées d'une peine de prison d'un à trois mois avec sursis.
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