Des marionnettes au cirque, le Vietnam a conservé une cultur...

La ville dans les premières lueurs du soleil a des airs d'abandon. Non qu'elle soit désertée. Au contraire?! Dès l'aube, dans une lumière encore grise, des centaines de cyclistes, le vélo chargé jusqu'au déséquilibre de légumes, de fruits, de tout ce qui peut se vendre rentrent fragiles et légers comme des papillons dans la ville, la réveillant d'une nuit chaude et encore ensommeillée. Une nuée qui aussitôt disparaît dans les rues. Si Hanoi paraît abandonnée, c'est à cause de ses immeubles décrépits, de ses fils téléphoniques qui pendent d'un poteau à l'autre comme d'immenses toiles d'araignées. Arbres recouverts de poussière. Maisons bourgeoises étroites, tout en hauteur, coincées les unes contre les autres. Style sans style, baroque, fantaisiste, comme on savait l'imaginer au siècle dernier. Témoignages d'un passé colonial qui ne s'est pas encore estompé de la ville. Nuée de klaxonsQuand le jour s'est enfin levé, il y a ce chant qui monte des avenues, des rues. Ce chant urbain des klaxons de motos qui ne va pas cesser de la journée. Peu de voitures à Hanoi, des vélos moins qu'avant. Le roi, ici, c'est le deux-roues sur lequel on monte parfois à trois, un bébé sur les épaules. Véhicule qui se faufile entre les passants tentant de traverser une rue, un carrefour. Sous ses airs d'abandon, Hanoi est cependant une ville trépidante, grouillante, où la jeunesse ressemble à celle que l'on voit en Europe, les mêmes vêtements, les mêmes accessoires. Les mêmes habitudes. Une différence seulement. Ici, on vit dans la rue. À l'étroit dans des appartements trop petits pour plusieurs familles, on s'installe sur le trottoir. On y joue aux dames, aux échecs, au badminton même. On y fume, on y mange. On s'y amuse. Cette rue aux étals de fruits et de légumes en pyramides, chargés de papayes vertes, tiges de lotus, fleurs de bananiers, oranges, mandarines? MarionnettesÀ cette vie quotidienne, on peut préférer la promenade historique au temple de la littérature, le Van Mieu, à la rencontre de Confucius, ou à la pagode Chua Mot Cot. Et, vestige du colonialisme, voir le pont Paul-Doumer construit par Eiffel en 1902, au fer jauni par le temps. Il est une visite qu'il ne faut pas manquer, c'est celle du village de Dong Ho, à quelques kilomètres d'Hanoi. Village où l'on a repris la tradition de la xylographie. Balade au milieu des rizières que l'on fait à vélo. Plus tard, en fin d'après-midi, c'est en voiture que l'on se rendra à Dao Thuc, là où l'on fabrique les fameuses marionnettes sur l'eau. Et c'est autour d'un petit lac prolongé par une scène que sera donnée une représentation. Théâtre de plein air qui convoque tous les habitants du village au son d'une musique traditionnelle pour écouter et voir une histoire de bons et de méchants, naïve et moraliste en même temps. Si ces marionnettes sont aujourd'hui célèbres dans le monde entier, une autre forme d'art est en train de naître à Hanoi?: le cirque. Certes, il existait déjà dans une tradition chinoise. Aujourd'hui, c'est différent. Cela grâce à deux Français d'origine vietnamienne, les frères Nguyen, Nhat Ly, compositeur, et Lan, directeur artistique, aidés par un autre Vietnamien qui vit en Allemagne, Tuan Lé. Leur rêve était de monter un spectacle avec les élèves du cirque national, lui donner un prolongement contemporain. C'est fait. Il s'intitule « Lang Toi. Mon Village ». Les trois artistes se sont appuyés sur une tradition chorale, tout en orientant la musique vers une écoute plus moderne. Quand au cirque lui-même, il se situe entre acrobatie et danse. Les répétitions eurent lieu au cirque d'Hanoi, sous l'?il des autorités politiques et culturelles. Pas toujours facile d'être dans l'orthodoxie pour les artistes. Pas tant sur le plan corporel que sur celui de la musique. Pour un puriste, c'est une hérésie d'évoquer « le chant d'un laboureur » sur l'image « d'une glaneuse ». « Lang Toi », raconte la vie quotidienne d'un village. D'où, parfois, un certain rappel à l'ordre musical des autorités, que les créateurs du spectacle se sont amusés à contourner. Leurs recherches les ont amenés à se rendre dans de nombreux villages pour s'inspirer de toutes les traditions. ExpressionnismeLa réussite est à la hauteur de leurs ambitions. La musique, les chants qui accompagnent le spectacle ne sont en rien nostalgiques, plutôt comme des citations, des parenthèses dans des compositions savantes et lyriques. Les numéros de cirque sont comme une chorégraphie qui privilégie l'expressionnisme. On y évoque ainsi des événements comme la fête au village, les fiançailles, le mariage, ou des moments particuliers, comme la tempête ou la nuit. Les vingt artistes, filles et garçons, évoluent dans un décor de bambous géants, avec lesquels ils jouent pour composer des figures et provoquer l'équilibre. D'une forme nouvelle, « Lang Toi » a été présenté dans sa version définitive à Hanoi le 5 mai. Aujourd'hui, c'est le musée du quai Branly qui l'accueille. Le spectacle tournera ensuite dans le monde entier.Jean-Louis PinteLang Toi, le Vietnam entre en piste
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