Les pratiques de négociation des sociétés de gestion en mutation

Tous les gérants vous le diront : le passage et la gestion des ordres constituent une activité particulièrement chronophage et, dans tous les cas, elle ne devrait pas relever des équipes de gestion. " Mon métier n'est pas de passer des ordres mais de gérer, confirme Marc Renaud, fondateur de Mandarine Gestion. Nous avons décidé d'externaliser toutes les activités qui ne constituent pas notre coeur de métier comme le passage d'ordre et de négociation. " Si ce choix reflète au premier abord une décision stratégique, elle est aussi renforcée par les contraintes réglementaires croissantes. " La Mifid prévoit qu'un même actif financier peut être négocié sur différents lieux, à différents prix, et selon différentes méthodologies. Le risque était donc que l'investisseur soit moins bien informé que par le passé ", note Fidel Martin, président-fondateur d'Exoé, la première structure indépendante française à proposer ce type de services aux sociétés de gestion. Et l'expert de poursuivre : " Les obligations de meilleure sélection des intermédiaires et d'exécution ont donc été introduites dans les textes réglementaires pour garantir au client final un résultat optimal. À présent, chaque société devrait avoir défini et mis en application sa politique d'exécution. "MEILLEURE TRACABILITEPas si simple à mettre en place pour une société de gestion entrepreneuriale, voire de taille moyenne, quand on ne dispose pas en interne des équipes et des moyens techniques adéquats. Aussi, plusieurs firmes comme Mandarine Gestion, Quilvest, Raymond James Asset Management International ou encore IT Asset Management ont décidé d'externaliser leur table de négociation. " Une telle décision répond avant tout à un souci d'efficacité et à plusieurs impératifs parmi lesquels figurent l'obligation de disposer d'une table et celle d'optimiser le passage d'ordres. Pour nous, les économies réalisées passent au second plan ", explique, pragmatique, Marc Renaud. " Bien entendu, les quelques points de base gagnés sur l'exécution d'un ordre améliorent les performances. En plus de cela, l'externalisation de la table s'est avérée être un point considéré comme extrêmement positif par l'ensemble des consultants qui ont réalisé un audit de notre société dans le cadre des appels d'offre ", précise le fondateur de Mandarine Gestion.Le bon accueil réservé à la démarche par les cabinets de consultants résulte notamment du fait que, au-delà des économies générées, l'externalisation de la table de négociation permet un meilleur reclassement des données, une systématisation du reporting, une meilleure traçabilité et une mutualisation des ressources informationnelles. " Tous ces éléments vont dans le bon sens et apportent une dose supplémentaire de professionnalisme à la gestion ", conclut Didier Bouchard, membre du directoire en charge des activités d'asset management chez Quilvest Banque Privée." REVOIR DES HABITUDES DE TRAVAIL "Néanmoins, une question demeure : qu'en est-il des relations traditionnellement fortes qu'entretenaient gérants et brokers ? " Nous ne faisons que transmettre des ordres aux brokers que nos clients ont eux-mêmes référencés, précise Fidel Martin. Toutes les opérations sont traitées dans l'intérêt du client. Par ailleurs, toutes les données relatives à la qualité des analyses reçues, à la bonne transmission des ordres et à leur exécution sont exploitées et font l'objet de rapports réguliers. "De son côté, Didier Bouchard constate ne pas avoir noté de dégradation dans la qualité des analyses fournies par les brokers, avec lesquels les gérants continuent d'entretenir de bonnes relations. " Dans tous les cas, la mise en place d'une table de négociation, interne ou externalisée, nécessite de revoir des habitudes de travail sensibles et notamment la relation entre gérants et brokers qui devient tripartite " , explique Natacha Buard, manager chez Eurogroup.Dans un récent rapport, ce cabinet de conseil en stratégie et organisation rappelle que, pour être efficaces, les animateurs de la table de négociation doivent se plier à une triple exigence de respect de la relation gérant-broker, de gain de performance effectif quel que soit l'instrument traité et de valeur ajoutée de la table. Celle-ci devient dès lors un centre d'information permettant le traitement optimal d'un ordre et non un écran opaque entre gérants et brokers.La mutualisation des tables de négociation : une pratique en coursSe doter des infrastructures et des compétences nécessaires à la mise en place de tables de négociation implique un coût significatif qui peut très rapidement dépasser 1 million d'euros. Il n'est donc pas surprenant de voir certaines structures, parmi les premières à disposer de ce type d'outils, de proposer leurs services à des tiers. " C'est le cas notamment de sociétés financières, filiales de grands groupes bancaires comme Segespar [groupe Crédit Agricole] ou FIN'AMS [groupe BNP Paribas], explique Natacha Buard, manager chez Eurogroup. Ayant déjà atteint leur taille critique, grâce à une mutualisation opérée au sein de leur groupe, elles trouvent aujourd'hui un nouveau débouché via les sociétés de gestion de petite et moyenne taille. " L'industrie de la gestion d'actifs fait ici face à une nouvelle phase de maturation, qui est pour l'heure principalement consacrée à la négociation d'action mais qui devrait pouvoir prochainement s'étendre aux instruments de taux et aux dérivés.
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