La déroute des prix du CO2 menace les réductions d'émissions

L'engagement du nouveau président des États-Unis dans la lutte contre le réchauffement climatique ne pèse pas bien lourd si l'on en croit le marché du CO2 européen. Le quota européen a en effet plongé à un plus-bas pour l'investiture de Barack Obama, à 11,20 euros la tonne pour le contrat décembre 2009, et restait presque inchangé hier. Une dégringolade peu rationnelle que Mark Lewis, analyste à la Deutsche Bank, explique notamment par l'inefficience du marché européen du carbone. La méthode d'allocation des quotas de CO2 serait, selon lui, en cause. « Le fait qu'on alloue des quotas gratuitement pose un réel problème aujourd'hui. Comme les industriels manquent de cash parce que les banques ne prêtent plus, ils vendent leurs quotas, en se disant qu'ils n'en auront pas besoin en 2009 et 2010 », explique le spécialiste. Crise économique aidant, les usines devraient en effet moins tourner, et les émissions de CO2 se réduire dans la foulée. Mais les industriels ne céderaient pas leurs quotas s'ils les achetaient aux enchères : ils ne les auraient simplement pas achetés et n'imprimeraient pas de pression baissière sur toute la finance carbone. Car, si la réduction des émissions de CO2, liée au recul de l'activité économique est une bonne nouvelle pour le climat à court terme, à moyen terme elle risque de faire souffrir tous les mécanismes de réductions d'émissions mis en place dans le cadre du protocole de Kyoto.prixLes projets de réductions d'émissions de CO2, qui génèrent des CER (Certified Emissions Reductions) équivalant aux quotas européens dépendent en effet fortement du prix des quotas européens qui sont aux CO2 ce que le WTI est au pétrole. Les CER s'échangent à un prix légèrement inférieur : qu'ils reposent sur des éoliennes au Maroc ou d'utilisation de la biomasse au Brésil, ils présentent tous un risque d'exécution technique. Mais leur économie est aujourd'hui singulièrement menacée. Les financements qui permettaient leurs montages sont absents et le prix de vente (10,35 euros hier) inférieur au coût moyen de production d'un CER, autour de 13 euros, en raison d'une baisse attendue de la demande. Avec un recul de 25 % depuis le début de l'année, les CER présentent la plus mauvaise performance dans la sphère des matières premières. Dans ces conditions, certains acteurs ralentissent leurs opérations dans les CER, comme l'a annoncé le broker Cantor CO2 hier. Ce qui remet en cause l'espoir d'un développement léger en carbone des pays émergents. Et, comme sur le pétrole, la mise en sommeil des projets risque de susciter un vif rebond des prix, dès que la demande repartira. Ce qui se concrétisera nécessairement si les États-Unis s'engagent plus avant dans la lutte contre le changement climatique.
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