Le carnaval des perdants

Le mouvement des universités achève de s'effilocher, au terme de sa seizième semaine. Les énergies se canalisent maintenant dans l'organisation fiévreuse des examens. Impossible n'est pas français, nous sauverons l'année, assurent toutes les parties prenantes. À les voir soudain tendus vers un même but ? étudiants, profs, ministère, présidents d'université ?, on s'attendrirait presque : ah, vraiment, dans notre pays, tout finit par des chansons. Sauf que non. Cette longue saison de blocage ? qui n'a touché que trente-cinq campus sur quatre-vingt-cinq, il faut quand même le souligner ? n'a fait que des perdants. Le gouvernement n'a pas de quoi pavoiser. Il avait réussi en 2007 à faire adopter l'essentiel, la loi sur l'autonomie des universités (LRU), assortie d'importants moyens supplémentaires, et à inciter les universités à se regrouper. Se concentrer sur l'accompagnement de cette grande réforme aurait suffi. Par maladresse, le président de la République a braqué les chercheurs. Ses ministres, Valérie Pécresse et Xavier Darcos, se sont acquis une réputation de duplicité dans la négociation. Les enseignants-chercheurs ont peut-être sauvé un lambeau d'indépendance, mais ils n'ont pas convaincu l'opinion qu'ils se mobilisaient pour le bien de leurs étudiants et de la science. Ils refusent à présent de déclarer leurs jours de grève, alors que les personnels administratifs grévistes, eux, perdent des jours (tout comme les enseignants du primaire ou du secondaire quand ils cessent le travail). L'éthique de la grève veut que celui qui gêne le fonctionnement d'un service ou d'une entreprise ? pour défendre légitimement ses intérêts ? en paie le prix. Les présidents d'université étaient dans la situation la plus ubuesque : pour ne pas se couper du groupe, ils ont dû faire mine de soutenir les opposants à une réforme qui les renforçait ! Et les étudiants ? Leur année est, sinon fichue, du moins tronquée. Ils ont été utilisés dans un conflit qui n'était pas le leur, à l'exception des futurs profs qui voulaient éviter de perdre une année de stage enseignant rémunéré. Les jeunes de ce pays ont de fortes raisons de protester contre une société qui ne sait pas leur faire de place, encore plus en cette période de crise économique. De fait, la France n'est pas vraiment en mesure de donner des leçons en matière d'emploi des jeunes (lire page 4). Ceux qui les mobilisent pour rien, sur de mauvais slogans et de mauvais enjeux, sont bien coupables. [email protected]
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