Grande-Bretagne : la fin de l'âge d'or

Le choc psychologique est violent outre-Manche. Avec la livre sterling qui a frôlé la parité avec l'euro la semaine dernière, et qui pourrait la toucher dans les jours qui viennent, les Britanniques s'interrogent soudain sur leur modèle économique. Après seize années de croissance ininterrompue et exceptionnelle, la Grande-Bretagne est rentrée en récession, et celle-ci devrait continuer au moins jusqu'à fin 2009. Les économistes prédisent une contraction du PIB entre 1,5 % et 2 % l'année prochaine.Les signes extérieurs de crise sont partout. Les 800 magasins Woolworths, une enseigne de bazars vieille de presque un siècle, sont devenus des boutiques fantômes. Après un dépôt de bilan le mois dernier, ils écoulent leurs derniers stocks juste avant Noël, avant de fermer définitivement le 5 janvier, faute de repreneur.Les agences immobilières sont désespérément calmes (lire ci-contre), plus personne ne voulant acheter sur un marché qui s'effondre. Quant aux immeubles du quartier d'affaires de Canary Wharf, ils sont désormais surdimensionnés, après les plans de licenciement massifs des grandes banques.La chute de la livre sterling est vécue comme le dernier clou enfoncé dans le cercueil de l'économie. Les Britanniques, habitués à passer leurs vacances en Espagne et en France, sont pris à la gorge. Le nombre de voyages à l'étranger d'août à octobre a baissé de 6 % par rapport à l'an dernier. Et c'était avant l'effondrement de la devise. Pourtant, Gordon Brown le répète en permanence?: la crise est internationale et « a commencé aux États-Unis ». Le problème des subprimes n'est effectivement pas spécifiquement britannique. Mais la Grande-Bretagne est plus touchée que les autres pays pour deux raisons?: elle est très exposée à la finance et les ménages britanniques sont particulièrement endettés.L'extraordinaire croissance de la City depuis dix ans, grâce notamment aux produits structurés, a longtemps semblé une chance. La tempête des marchés a changé la donne. La finance représente actuellement 10 % du PIB, et bien plus en comptant les retombées indirectes. À Londres, c'est 20 % de l'économie. La capitale britannique s'est exposée à une « monoculture » très dangereuse. Quant à l'endettement des ménages, c'était le principal moteur de la consommation ces dernières années. La dette des ménages par rapport à leurs revenus a augmenté de 50 % en une décennie, pour atteindre 180 % du revenu. En multipliant cartes de crédit et prêts à la consommation, les Britanniques ont tout simplement vécu au-dessus de leurs moyens. « on est vulnérables »Le phénomène a poussé Mervyn King, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, à tirer la sonnette d'alarme dès le printemps?: « C'est la fin de la belle décennie. » Pour lui, avant même l'ouragan financier de ces derniers mois, l'économie britannique était entrée dans une période d'ajustement inévitable. « Nous pensons que la hausse de la consommation pendant la décennie à venir ne sera pas aussi forte qu'elle n'a été récemment », avertit-il. « Il n'y a jamais eu de miracle », estime Simon Ward, économiste à la société de gestion New Star. Il fait remarquer que la Grande-Bretagne a frôlé la récession en 2001, après l'explosion de la bulle Internet. « Mais c'est justement le moment où Gordon Brown a fortement augmenté les dépenses de l'État. » L'actuel Premier ministre avait décidé d'investir dans les hôpitaux et les écoles, après des années de modération budgétaire.Les Britanniques se mettent à questionner leur modèle, notamment sur l'ouverture de leur pays. Contrairement aux États-Unis, la Grande-Bretagne a vraiment joué le jeu de la concurrence internationale, laissant ses entreprises être rachetées par les concurrents étrangers (Jaguar acquis par l'indien Tata?). Tant que les capitaux affluaient, notamment à la City, tout allait bien. « Mais, aujourd'hui, nous sommes vulnérables, estime Chris Williamson, économiste à Markit, un fournisseur d'indices économiques. Dans l'automobile, il suffit que quelques entreprises étrangères décident de fermer leurs usines en Grande-Bretagne pour que le secteur soit très rapidement ravagé. »
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