De la rente Pinay indexée

Plus de quinze ans après l'emprunt Balladur de 1993, qui avait permis de lever 110 milliards de francs (16,8 milliards d'euros), le président Nicolas Sarkozy a fait renaître hier la perspective d'un grand emprunt national.Ni les modalités ni même le choix de solliciter les particuliers ou les marchés internationaux du crédit pour cette opération ne sont arrêtés. Son montant sera défini en fonction des besoins révélés par les priorités de l'État? qui restent à établir. Si la cible est le particulier, le succès de l'opération dépendra pourtant pour une large part de la définition de ces priorités. Ce sont elles, au même titre que les conditions de rémunération de ces obligations, qui provoqueront ? ou pas ! ? le succès de cet emprunt. Lorsqu'il s'est agi de financer les guerres ou la reconstruction nationale ; les Français sont le plus souvent au rendez-vous.Reste qu'on est bien loin des rentes des années 1950, que ce soit le Pinay 1952 ou 1958 ou le Ramadier 1956 qui ont vu le jour alors que l'État ne pouvait plus vraiment faire autrement. On peut même imaginer, comme le suggérait le député Hervé Mariton sur BFM en avril dernier, qu'il s'agisse d'un emprunt forcé. Ce fut le cas en 1983 lorsque les finances publiques menaçaient d'imploser. Sept millions de souscripteurs forcés parmi les plus hauts revenus et les redevables de l'impôt sur la fortune versèrent 13,4 milliards de francs (2,04 milliards d'euros). D'une durée de trois ans, cet emprunt était assorti d'un rendement de 11 % pas vraiment attractif au vu de la hausse de 11,6 % des prix en 1982. L'État a pourtant manié plus souvent la carotte que le bâton. Les titres de l'emprunt Balladur pouvaient ainsi être échangés contre des actions des sociétés nationalisées, la rente Pinay, outre qu'elle permettait d'échapper à la fiscalité des successions, était indexée sur la pièce d'or de 20 francs. Mais c'est l'emprunt Giscard 1973 indexé sur l'or qui s'est révélé comme le meilleur placement des Français. Il avait permis de collecter 7 milliards de francs. Son remboursement en a coûté 80 milliards !Si aucun « grand emprunt national » n'a vu le jour depuis seize ans, c'est parce que l'État a optimisé ses besoins de financement avec la création d'émissions venant abonder des souches d'emprunts existants. Avec les obligations assimilables du Trésor (OAT), l'État a été le premier bénéficiaire de la modernisation des marchés financiers conduite sous la direction de Jacques Delors au ministère des Finances de 1981 à 1984. Grâce à l'efficience apportée par les spécialistes en valeurs du Trésor, l'État a pu solliciter les marchés au moindre coût. Aussi un emprunt national aujourd'hui va-t-il créer un pôle particulier qui par ses spécificités présentera des caractères atypiques dans l'univers harmonisé de la courbe des OAT. Christophe TricaudL'État a pourtant manié plus souvent la carotte que le bâton.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.