François hollande

Sept mois après son départ de la rue de Solferino, François Hollande reprend samedi la route de Lorient, la ville bretonne qui, en 1985, avait vu, sous sa houlette, la naissance des « transcourants » du Parti socialiste. Mais cette première journée de réflexion de l'association Changer la gauche ne débouchera pas sur la constitution d'une nouvelle chapelle au sein d'un parti affaibli par sa débâcle aux élections européennes. Pour l'ancien premier secrétaire du PS, la réunion consacrée à « la France après la crise » sera « davantage un colloque qu'une réunion militante » et « surtout pas le lancement d'une campagne préprésidentielle, ce qui serait le contraire de ce qu'il faut faire en ce moment ».« Je ne suis pas dans une démarche de courant dedans ou d'espace dehors », insiste François Hollande. Le président du conseil général de la Corrèze sait pourtant que son discours sera étudié, surtout entre les lignes, par ceux qui au PS voient d'un très mauvais ?il croître et embellir ses ambitions pour la présidentielle de 2012. Dans l'entourage de Martine Aubry, les mots doux fleurissent à l'encontre de celui que certains surnomment « l'ennemi de l'intérieur ».On lui reproche pêle-mêle la fronde de la région Centre contre les listes européennes élaborées par la nouvelle direction du parti, le dialogue avec le MoDem, le bémol fiscal mis au contre-plan de relance du PS. Avant de mettre en doute sa capacité à porter des idées neuves ou même à trancher, après onze années passées à jouer l'équilibriste en chef rue de Solferino. « Hollande ! Combien de divisions ? » ironise un proche de Martine Aubry tandis que Jean-Louis Bianco, proche de Ségolène Royal, confie qu'il juge peu probable la « transsubstantiation » de l'ancien patron du PS en candidat à l'élection suprême.Les observateurs qui suivent le parti depuis des années relèvent pourtant des similitudes entre celle qui fut candidate en 2007 et celui qui pourrait le devenir en 2012. Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques, souligne ainsi que François Hollande adopte « parfois la stratégie de Ségolène Royal avant 2006, en cultivant une distance critique à l'égard du PS ». Une stratégie qui n'est pas sans risques et qui pourrait être compliquée par l'irruption du débat sur l'organisation de « primaires » pour la désignation du candidat du PS, voire de la gauche, en 2012. « Il sera difficile pour François Hollande d'adopter une position conservatrice et en même temps, des primaires ne l'arrangeraient pas. Il a intérêt à jouer le recours auprès des militants », explique Rémi Lefebvre. Pour le chercheur, l'histoire récente du PS a montré que « même avec un passif, on peut réémerger dans le jeu interne, à l'instar de Laurent Fabius au moment du référendum européen en 2005 ou de Martine Aubry en 2008. Hollande, comme les autres responsables du PS, vit dans l'hypothèse que tout est jouable, que tout est possible ». Le député corrézien affiche une indifférence tranquille face aux critiques et reste concentré sur son message du moment : « Comme il y a eu un contrat dans l'après-guerre, on doit réfléchir à un contrat pour l'après-crise, il faut tracer les grandes lignes d'une politique économique, sociale, globale, de gauche ». Pour François Hollande, « la crise a changé le rapport à la politique » et les socialistes ne peuvent plus « ressasser les mêmes propositions que celles d'avant, qui ne convainquent plus ». Il a regardé de près les discours de campagne de Barack Obama et souligne que, « pour gagner », la gauche doit par ses propositions « donner envie aux Français de se retrouver comme une nation capable de porter son destin, avec des valeurs de progrès, d'égalit頻. Il déclarait, dans une interview à « La Montagne » début juin : « Nous devons nous inscrire dans le récit de la République et le projeter dans le futur. »François Hollande a bien choisi son heure. La réunion de Lorient intervient à l'issue d'une semaine dominée par l'intervention de Nicolas Sarkozy au Congrès de Versailles. Et avant le lancement du chantier de la rénovation du PS par Martine Aubry début juillet. « Je mets ma réflexion au service du PS », souligne le prédécesseur de la maire de Lille. « Martine » et « François » se vouent une cordiale détestation pour des raisons qui restent à élucider. Selon les uns, Martine Aubry n'aurait pas digéré une investiture non accordée pour les législatives de 2007 dans le Nord. Selon d'autres, les fameuses réunions de Lorient de la fin des années 1980 expliqueraient tout : la fille de Jacques Delors reprocherait aux « transcourants » d'avoir opéré une sorte de « captation d'héritage ». Quand elle a pris la tête du PS, Martine Aubry a en tout cas procédé à une critique en règle de la gestion de son prédécesseur, pestant tout autant contre le chauffage défectueux rue de Solferino que contre le manque de travail présumé de l'équipe précédente. Aujourd'hui, nul ne doute que celui qui avait mené le PS au score record de 29 % des voix aux européennes de 2004 observe sans déplaisir les 16,5 % de Martine Aubry le 7 juin. Après le scrutin, le président du conseil général de la Corrèze a appelé son parti à des « transformations ». Mais à Lorient, c'est juré, François Hollande ne parlera pas de « la vie interne » du PS et ne mettra « pas en cause les personnes ». Tout juste dira-t-il ce qu'il pense des primaires réclamées avec insistance par la « jeune génération » du PS. L'ex-premier secrétaire rappelle qu'il avait « maîtris頻 avec peine le processus ayant conduit en 2006 à la candidature de Ségolène Royal. Sans pouvoir éviter « les coups bas » d'une violente campagne interne. La suite a prouvé que les primaires ne réglaient pas tout puisque la candidate désignée s'est heurtée à la résistance constante des « éléphants » du parti, de la campagne présidentielle de 2007 jusqu'au congrès de novembre 2008. À ce funeste Congrès de Reims, François Hollande avait tenté de bâtir une synthèse derrière Bertrand Delanoë, avant de rallier, en désespoir de cause, le front « TSS » (Tout sauf Ségolène) dont le leadership avait été confié in extremis à Martine Aubry. Désormais, sans chercher à se justifier, il note sobrement que le congrès a été « rat頻.De Ségolène Royal, François Hollande dit qu'elle « a raison » de privilégier elle aussi une démarche de travail, « sur le seul bon terrain, celui des idées ». La perspective d'affronter son ex-compagne lors de primaires ne le désarçonne pas plus que cela. François Hollande, qui répugne à toute incursion dans sa vie privée, juge simplement que la confusion des genres n'est plus possible aujourd'hui.Début juin, venu en voisin, le député de la Corrèze est à Limoges pour un meeting de la campagne européenne. Un militant confie son admiration tout en regrettant que « François n'ait pas pu rester à l'écart des bagarres du parti ». Il ajoute : « Maintenant, il doit tout reconstruire. » Tout reconstruire ? Ou simplement construire ? Pour le politologue Stéphane Rozès, « dans la nouvelle période qui s'ouvre, François Hollande ne doit plus se contenter d'être le plus petit dénominateur commun » des socialistes. « Il doit, dans la symbolique forte de la présidentielle, montrer qu'il est capable de régénérer les idées du PS, d'impulser une dynamique », estime le président de la société CAP (Conseils, analyses et perspectives), qui fait partie des invités de la Journée de Lorient, aux côtés des économistes Elie Cohen et Pierre-Alain Muet, et de l'ancien dirigeant communiste Robert Hue.« Il faudra aussi qu'il y ait un petit changement dans sa façon d'être. Il faut qu'il noue avec les Français, et aussi avec les journalistes, un rapport qui ne soit pas seulement sympathique, de proximit頻, ajoute Stéphane Rozès. De fait, depuis quelques mois, François Hollande a fait quelques concessions sur le terrain du « look » et semble tenir en lisière un humour, qui l'a parfois desservi. Mais c'est un ancien président, peu suspect de déshumanisation dans la course présidentielle, qui lui apporte aujourd'hui un soutien inattendu? Jacques Chirac, que le jeune énarque était venu provoquer dans son fief corrézien dans les années 1980, ne tarit plus d'éloges sur ce socialiste qui marche sur ses traces. Du plateau de Millevaches? à l'élysée ? La semaine dernière, Jacques Chirac a fait cette confidence à Michel Rocard : « Je le redécouvre, c'est un gars bien »? n 54 ans.Ex-premier secrétaire du Parti socialiste (1997-2008).Député et président du conseil général de la Corrèze (réélu en 2007 et élu en 2008).Fondateur de l'association Changer la gauche.
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