La Hongrie, symbole des faiblesses de l'Europe de l'Est

Un ordinateur portable pour 99,99 forints, soit 375 euros, un ours en peluche pour 2,50 euros, un paquet de café de 500 grammes à 1,80 euro?: dans le catalogue Auchan distribué ces jours-ci dans les boîtes aux lettres de Budapest, les prix sont compressés au maximum. « Depuis le plan d'austérité budgétaire adopté par le gouvernement en 2006, les consommateurs ont perdu en pouvoir d'achat et sont très attentifs à leurs dépenses, explique Nicolas Blancard, le directeur marketing du distributeur français, installé sur place depuis 1998, mais aujourd'hui, ils éliminent les dépenses plaisir. » De fait, la crise, d'abord financière, qui a vu la monnaie déraper d'un coup, touche maintenant l'économie réelle. C'est vrai pour la Hongrie, qui a fait appel au Fonds monétaire international, mais également pour les autres pays d'Europe de l'Est, République tchèque, Slovaquie, Pologne. Car tous partagent, à des degrés divers, les mêmes faiblesses?: une dépendance au capital étranger, sous forme d'investissements ou de flux de capitaux?; une économie tournée vers les exportations, automobiles ou autres et, enfin, des déséquilibres budgétaires et un fort endettement, de l'État comme des ménages.À cet égard, si la Hongrie a été la première touchée, c'est que le ratio de déficit budgétaire sur PIB, qui se situait à 9,3 % en 2006 ? d'où le plan d'austérité ? dépasse encore, avec 3,5 %, les critères de convergences européens. Quant à la dette publique, elle équivalait à 65,6 % du PIB en 2006 ? et pourrait s'afficher à 66,5 en 2008. C'est le niveau le plus élevé de la région, puisque le rapport, cette année, n'est que de 44,2 %, pour la Pologne et de 28,1 % pour la République tchèque. Spéculateurs et marchés financiers ne s'y sont donc pas trompés?: le 10 octobre dernier, ils ont d'abord « attaqu頻 la monnaie hongroise. « La banque centrale a bien essayé de contrer ces ventes, en relevant les taux d'intérêt, mais l'impact a été de courte durée », raconte un banquier sur place. Six minutes plus tard exactement, la monnaie dévissait de nouveau?! Seule l'annonce, début novembre, d'une ligne de crédits en provenance du FMI de 15,7 milliards de dollars sur dix-sept mois, semble avoir rassuré. « J'espère que les fonds ne seront pas utilisés, remarque cependant Zoltan Dercze, responsable pays à la Coface de Budapest. Mais s'ils le sont, il faudra qu'ils servent à recapitaliser les banques. » Des banques qui, comme partout ailleurs, rechignent aujourd'hui à octroyer des crédits, aux PME comme aux ménages. « Déjà, certaines ont annoncé qu'elles refusaient désormais les prêts en devises », précise ce spé- cialiste. Là encore, les pays de la région partagent une caractéristique?: les acteurs économiques ont préféré, compte tenu de taux d'intérêt plus avantageux, emprunter en francs suisses ou en euros. Environ 60 % des prêts à la consommation ont ainsi été contractés en devises en Hongrie. En cas de dévaluation de la monnaie, le piège se referme vite, puisqu'il faut rembourser dans une devise dévalorisée. Toutefois, ceux qui ont emprunté en monnaie locale ne sont guère mieux lotis, puisque les taux d'intérêt ont augmenté. « J'avais emprunté l'équivalent de 15.000 euros en forints, sur cinq ans, avec un taux garanti de 6 %, raconte Andréa Kiraly, interprète à Budapest. Heureusement que j'ai fini de rembourser, sinon, le taux serait maintenant de 9 %. » Plombés par leurs dettes, les ménages hésitent désormais à la dépense. Et le ressort de la demande extérieure est lui aussi cassé. Des pays comme la Slovaquie, qui se sont essentiellement concentrés sur l'automobile, risquent à terme de souffrir grandement de cette situation ? le principal client, l'Allemagne, étant en récession. Dans ces conditions, la croissance des pays de l'Est, qui avait contribué à celle de toute l'Europe, n'est pas prête de jouer de nouveau ce rôle.
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