« Refondation » du capitalisme ou nouvelle révolution industrielle

Le sujet de discussion actuel est de savoir si nous avons atteint « le point bas » de la crise financière et économique. Et sur ce point, plusieurs théories s'affrontent. La première prétend que la crise n'en est qu'à son début. En effet, le système bancaire américain est loin d'être purgé : 23 établissements ont fait faillite depuis le début de l'année, le dernier étant la New Frontier Bank, le mois dernier. Par ailleurs, les défauts de paiement tendent à augmenter en ce qui concerne les crédits à la consommation ou les cartes de crédit, malgré les aides massives prodiguées par les pouvoirs publics américains et des taux d'intérêt très bas. Plusieurs pays émergents (la Roumanie, les pays Baltes, la Hongrie) sont sous perfusion, sans compter les annonces quotidiennes, de diminution de la croissance dans tel ou tel État.Inversement, d'autres observateurs affirment que nous avons franchi le bas de cycle et que les bonnes nouvelles vont s'intensifier. Déjà, on a constaté avec plaisir que certaines banques américaines, à la suite de Goldman Sachs, réalisaient de bonnes performances en ce début d'année. Les ventes de maisons aux États-Unis, ont repris en février. La Chine reste optimiste, en ce qui concerne ses prévisions de croissance (8 % en projection annuelle). Enfin, la désinflation combinée aux injections répétées de liquidités dans l'économie mondiale vient soutenir la consommation.En fait, je partage plutôt une troisième approche, à savoir une évolution « en tôle ondulée » pour les prochaines années. Nous sortirons assez rapidement de cette crise, mais pour retomber dans une nouvelle crise. En effet, tétanisés par les souvenirs dramatiques de 1929 (25 % de chômage au plus dur de la récession), les Américains vont continuer à pratiquer « la thérapie par la liquidit頻, qui leur a si bien réussi en 2001. Rappelons-nous qu'Alan Greenspan, pour abréger la durée et la dureté de la crise des « dot-com », avait choisi de noyer les marchés sous l'abondance de fonds, favorisée par une baisse colossale des taux d'intérêt, ce qui avait alimenté les diverses spéculations (matières premières, immobilier, Bourse), prémisses de la crise actuelle.sujets délicatsNous sommes repartis pour revivre les mêmes péripéties et il est facile d'anticiper les prochaines crises : le marché obligataire (qui sera vite saturé d'emprunts souverains à risque) et le dollar (les créances détenues par le Trésor américain s'amoncellent dans le monde, et ce n'est qu'un début).Pour éviter de parler de ces sujets délicats, les gouvernements des principaux États (le G20, pour simplifier) ont choisi de porter leur attention (et la communication qui s'ensuit) sur les « responsables » de la crise actuelle. Des boucs émissaires ont été faciles à trouver, d'autant plus qu'ils n'étaient pas totalement innocents : les hedge funds, les agences de notation, les outils de titrisation (CDO, CDS), et enfin les paradis fiscaux.Une grande campagne de « purification » a été initiée, avec un refrain universel : il faut « refonder » le capitalisme, en le rendant plus éthique donc plus réglementé. Sauf que, d'une part, les sujets sont plus complexes à traiter qu'il n'apparaît à première vue (ainsi, les produits titrisés ne sont pas « standardisés », donc difficiles à faire entrer sur un marché négocié et à « enregistrer » d'une façon efficace ; les hedge funds ont des stratégies et des modes de fonctionnement très hétérogènes, etc.).D'autre part, chaque pays a ses intérêts particuliers : on imagine mal la Grande-Bretagne partir en guerre contre les paradis fiscaux, alors que Londres vit en partie des mécanismes de défiscalisation et que beaucoup de principautés « coupables » dépendent de la Couronne ; quant à la Suisse ou au Luxembourg, que deviendraient-ils sans leur régime fiscal et bancaire « accueillant » ?Il est clair que, dès que la situation se sera améliorée, les beaux discours seront oubliés (cf. le dicton : « All talk, no action »). L'avertissement de 2000 (l'affaire Enron) n'a pas empêché les dérives récentes (affaire Madoff, écroulement d'AIG et consorts, dérives des bonus et stock-options, etc.) ! De toute façon, tous les « grands » de ce monde bénéficient du système : ainsi les États-Unis utilisent les paradis fiscaux pour dénouer certaines transactions (vente d'armement, par exemple) ; les people (artistes, footballeurs, grosses fortunes privées) s'y abritent. Le réalisme l'emportera forcément sur l'angélisme, de bon ton en ces temps difficiles.Plutôt que de rêver à une hypothétique « refondation », il me paraît plus constructif de réfléchir sur le contenu de la véritable révolution industrielle que nous avons actuellement entamée. Elle sera marquée par l'accélération de la prise en compte du développement durable. La croissance des prochaines années remettra au premier plan la « finitude » de nos ressources naturelles (les marchés des matières premières, pétrole compris, se chargeront de nous le faire savoir), « le défi de l'eau » et les difficultés d'une alimentation suffisante pour sept milliards d'individus, sans parler des contraintes bien connues (réchauffement climatique, pollution) passées au second plan, en raison de la crise financière.On peut rajouter, en plus de l'émergence des « Clean-Techs » le développement accru des services à la personne, de l'accès aux loisirs (y compris le tourisme et la sauvegarde du patrimoine). En plus de bouleversements sectoriels, cette évolution aura des conséquences fortes en termes d'organisation (développement du télétravail, décentralisation des processus, externalisation de certaines activités, accentuation des efforts d'innovation, etc.).Voila un programme de réflexions qui vaut bien une « refondation » et qui affectera d'une façon plus durable le système capitaliste. n Tous les « grands » de ce monde bénéficient du système. Les États-Unis, par exemple, utilisent les paradis fiscaux pour dénouer certaines transactions.
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