L'Élysée lance le compte à rebours de son emprunt

C'est avec quelques semaines de retard sur le calendrier initial que Nicolas Sarkozy va installer ce matin la commission « sur les priorités financées par le grand emprunt ». Coprésidée par deux anciens Premiers ministres, Alain Juppé et Michel Rocard, et forte d'une quinzaine de membres, elle devra rendre ses propositions avant le 1er novembre, date à laquelle le Parlement sera saisi pour arrêter les priorités et les modalités de cet emprunt qui devrait être lancé début 2010. Alain Juppé et Michel Rocard disposeront donc de deux mois pour auditionner experts et partenaires sociaux avant de faire des propositions sur les investissements qui devraient être financés par l'emprunt. Ils auront aussi leur mot à dire sur son montant et la possibilité ou non pour les particuliers d'y souscrire.Mais au-delà de ce retard dans l'installation de la commission, c'est une question de calendrier plus fondamentale qui se pose : alors que les signes de reprise se font jour en France comme chez certains de nos voisins, cet emprunt, annoncé le 22 juin par le président lors de son discours devant le Congrès à Versailles, reste-t-il aussi opportun économiquement qu'au début de l'été ? ? Un emprunt à contretemps ?Critiqué dès le départ dans son principe, y compris dans les rangs de la majorité, en raison de l'état calamiteux des finances et de la dette publique (voir graphique), le grand emprunt présidentiel n'est-il pas devenu anachronique ? Pour beaucoup, il s'agit en fait d'un second plan de relance qui ne veut pas dire son nom, alors que la croissance repart. Le futur emprunt ne va-t-il pas inciter encore plus les Français à épargner au moment ou la consommation se redresse doucement ? ? Un emprunt de quel montant ?Henri Guaino, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy et principal initiateur de l'idée de l'emprunt, a évoqué cet été une fourchette de 80 à 100 milliards d'euros. Des montants immédiatement contestés officieusement par les entourages du Premier ministre et du ministre de l'Économie, Christine Lagarde. Pour ne pas se déjuger tout en prenant en compte la nouvelle donne économique, l'Élysée pourrait donc décider d'un emprunt d'un montant plus modeste. ? Un emprunt pour quels projets ?C'est la question centrale à laquelle doivent répondre Alain Juppé et Michel Rocard. Dès le séminaire gouvernemental du 28 juin, de nombreux ministres se sont inscrits comme bénéficiaires potentiels de cette manne financière inespérée en temps d'économies budgétaires? Celui des Sports a plaidé pour la construction de nouveaux stades. Son collègue de l'Éducation pour celle d'établissements scolaires? Lundi, dans « Le Monde », c'est Patrick Devedjian, le ministre de la Relance, qui rappelait qu'« un certain nombre de projets engagés dans le plan de relance doivent être prolongés dans le cadre de la politique du grand emprunt. Par exemple, les quatre grandes lignes du TGV, qui sont projetées par le président de la République, ont vocation à être soutenues, comme le projet du Grand Paris et son volet transports ». Bercy, s'appuyant sur une étude du cabinet McKinsey, a listé un certain nombre de « secteurs porteurs de l'industrie et des services » éventuellement éligibles à l'emprunt : la santé et les biotechnologies, la robotique, les nouvelles technologies? Il n'est pas certains qu'Alain Juppé et Michel Rocard apprécient de se faire forcer la main de la sorte?En tout cas, début juillet, le maire de Bordeaux a révélé que les technologies vertes, le développement durable, l'éducation et la formation faisaient partie de ses pistes de réflexion. ? Un emprunt pour tous ?Ce sera au Parlement et non à la commission Juppé-Rocard de le décider. Si l'Élysée a refusé jusqu'à présent de le reconnaître, il paraît politiquement impensable de ne pas associer les Français à un effort collectif. Même si l'appel aux épargnants devrait coûter au final plus cher aux finances publiques que le simple recours aux investisseurs classiques en raison de la rémunération proposée. Gageons que la commission des banquiers sera regardée à la loupe : ce n'est pas au moment où les banquiers sont montrés du doigt pour leurs bonus que l'État va les privilégier.
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