Un prophète nommé Audiard

cinémaJusqu'au bout, le public cannois a espéré. Mais Isabelle Huppert, la présidente du jury du dernier Festival de Cannes, a fini par trancher. Et attribuer la palme d'or au « Ruban blanc », le film réalisé par son ami Michael Haneke, grâce auquel elle avait obtenu le prix d'interprétation pour « la Pianiste » en 2001. Rien de honteux à cela, bien sûr. « Le Ruban blanc » est un excellent film? cérébral, là où « Un prophète » de Jacques Audiard prend aux tripes et reste l'électrochoc de cette édition cannoise.Film noir magistral, polar exceptionnel, « Un prophète » suit l'ascension d'un jeune malfrat jusqu'à ce qu'il devienne un homme. Sale, cabossé, couturé de partout, Malik (Tahar Rahim) écope, à 19 ans, de six ans de prison ferme et se retrouve à la centrale de Brécourt. À peine arrivé, le voilà enrôlé de force par le clan corse de la prison pour liquider un détenu dont les révélations pourraient lui être fatal. Au fil des jours, le jeune homme devient l'homme à tout faire du clan et de son parrain, Césarute;sar (Niels Arestrup). Mais sous ses airs placides, Malik apprend vite. Jusqu'à mener ses propres affaires.Dès les premières images, Audiard ferre le spectateur. Sa caméra, nerveuse, s'accroche aux personnages, cogne contre les parois de la centrale, avale une dernière goulée d'air dans le panier à salade et raconte avec force l'incarcération, l'étouffement.Une fois de plus, le réalisateur échappe à tous les clichés. Il se réapproprie les codes du genre et les malaxe à sa guise. Qu'on ne compte pas sur lui pour réaliser un film social sur l'état des prisons. Audiard se concentre sur l'action et sur ses personnages. Même si « Un prophète » dresse avec une rare justesse le panorama de la situation carcérale française gangrenée par le communautarisme, l'islamisme, la corruption qui permet une économie parallèle florissante.l'ombre du pèreIl n'y a ici aucune complaisance, ni pour la violence ni pour la figure du truand. Aucun des personnages n'est tout à fait bon ni tout à fait mauvais. Et c'est aux côtés de ces voyous que Malik grandit, apprenant de chacun. Car il est une fois de plus question de filiation dans ce film, comme souvent chez Jacques Audiard, qui s'affranchit ici totalement de l'ombre de son père, Michel. Pour réussir une ?uvre d'une ambition folle de 2?h?30, comme il en existe peu dans le cinéma français, portée par un Niels Arestrup éblouissant mais surtout par le jeune Tahar Rahim dont c'est le premier film, et qui s'impose comme la révélation de l'année.
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