Crise  : de la protestation au passage à l'acte

Chacun de ces événements pourrait n'être qu'un fait divers. Un patron séquestré. Une manifestation où l'on brûle des poupées de chiffon à taille humaine. Des barrages dans les DOM où l'on rançonne et l'on insulte. Des sabotages de caténaires sur les lignes de train. Des actes d'insubordination de la part d'enseignants ou de fonctionnaires des impôts qui, sans mot d'ordre aucun, désobéissent aux directives pour protester. Une grève qui s'amplifie à l'annonce de plans de stock-options pour les dirigeants. Aux prises avec une crise économique et sociale sans précédent, la France vitupère, bouillonne, gronde, avec les mouvements de colère incontrôlée qui débordent largement syndicats et partis d'opposition. Dans cette France-là, même Besancenot fait figure de premier communiant.Inquiétude supplémentaire, la colère qui s'exprime ainsi ne revendique plus rien. C'est justement la certitude ne de rien pouvoir obtenir qui la nourrit. Elle témoigne d'une rage sourde non pas contre la crise, mais contre les inégalités face à la crise. La concomitance de ces mouvements incontrôlés et des affaires de salaires patronaux extravagants ne doit rien au hasard : les uns sont alimentés par les autres. En fin de semaine dernière, c'étaient les dirigeants de la Société Généralecute; Générale qui étaient contraints de renoncer à des stock-options controversées. Puis Thierry Morin, ex-dirigeant de l'équipementier Valeo, licencié avec 3,2 millions d'euros d'indemnités. Hier encore, les deux dirigeants de GDF-Suez, Jean-François Cirelli et Gérard Mestrallet, ont dû renoncer à leurs stock-options également. Ce sont désormais les élites patronales ? celles des grandes entreprises ? qui sont accusées d'incompétence et de cupidité. Signe de ces temps troublés, Alain Minc publiait une tribune dans « Le Figaro » du 23 mars dernier pour appeler ses « amis » dirigeants à voir que « le pays a les nerfs à fleur de peau » et à sortir de leur « autisme », faute de quoi ils pourraient devenir des boucs émissaires. Un tel avertissement pourrait faire rire ? Alain Minc est l'homme de l'élite par excellence. Ce serait une erreur. Si Minc, qui capte toujours l'esprit du moment, joue les dirigeants français à la baisse, c'est qu'il y a un risque que cela tourne vinaigre.Face à cette exaspération, le gouvernement hésite sur la stratégie à suivre. Les vestiges de la politique d'avant la crise, plus libérale ? le bouclier fiscal par exemple ? le gênent aujourd'hui, tout comme ils gênent sa majorité parlementaire. D'où les moulinets de Sarkozy et de ses ministres à l'encontre des patrons, qui visent à rééquilibrer l'image gouvernementale pour apaiser le mécontentement populaire. Mais cette attitude pourrait avoir un effet contraire, en légitimant la « chasse au patron ». À dire vrai, ces mouvements adressent aussi une question à nos syndicats affaiblis et à l'opposition socialiste, débordés. Voire complètement à côté de la plaque. L'organisation, par le PS, du « Printemps des libertés » dimanche dernier, alors que le monde vit sa plus grave crise depuis la guerre, restera comme un exemple de contretemps difficile à égaler.
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