Solvabilité 2 n'est pas adaptée à l'activité de l'assurance

Pourquoi êtes-vous opposé à la directive Solvabilité 2 ?Le projet en l'état n'est pas adapté à l'activité d'assurance. Il ne faut pas l'adopter maintenant, à la sauvette, alors que des problèmes de fond se posent. Solvabilité 2 est la réplique pour l'assurance des normes Bâle 2 pour les banques. Or, on vient de constater tous les inconvénients de Bâle 2 et le rapport de Jacques de La Rosière préconise une réforme. Nous pourrions avoir l'intelligence d'attendre que ces modifications soient faites avant de mettre en application le projet Solvabilité, déjà vieux et dépassé.Ce texte est pourtant en préparation depuis cinq ans, est-ce un délai trop court ?Ce texte comporte une erreur de conception au départ. Il demande de calibrer les fonds propres en fonction d'une formule qui apprécie le risque de défaut à l'horizon d'un an, alors que les passifs des assureurs, c'est-à-dire leurs engagements, peuvent courir sur 15 à 18 ans, parfois davantage. Il faut modifier le schéma et accepter de réfléchir sous un autre angle.Pourquoi certains assureurs y sont-ils favorables ?Cette directive présente des avantages uniquement pour les compagnies d'assurance-vie - épargne. On oublie que l'assurance, ce n'est pas que de l'assurance-vie, c'est aussi de la prévoyance, de la complémentaire santé, de l'assurance de dommages et de responsabilités.Quelles sont les conséquences de cette « erreur de conception » ?Solvabilité 2 va très clairement renchérir le coût de l'assurance dommages au détriment des consommateurs. Son adoption entraînera une multiplication de l'exigence de fonds propres par 5 en dommages, notamment en construction et en responsabilité civile, ce qui aura des conséquences sur les tarifs. De plus, ce texte va empêcher l'assurance de remplir son rôle de financeur de l'économie et d'investisseur en capital dans les entreprises.Pour quelle raison ?Solvabilité 2 exige que 40 % des montants investis en actions figurent dans les fonds propres. Cela signifie que demain, un groupe comme Groupama, qui a près de 20 % d'actions, devra, pour des raisons de coût, descendre à 4 % ou 5 %.L'objectif n'est-il pas d'obliger les assureurs à augmenter leurs fonds propres ?L'idée d'origine était de permettre aux assureurs de moduler les fonds propres en fonction de l'activité, pas de les augmenter. D'ailleurs, Bâle 2 a permis aux banques de réduire les fonds propres alloués à certaines activités avec les problèmes que l'on a vus. Certains assureurs favorables à Solvabilité 2 pensent qu'en mettant en place les modèles internes de calcul que la directive autorise, ils pourront diminuer leurs fonds propres exigibles, tout en exerçant la même activité qu'avant.On a dit que Solvabilité 2 favoriserait les grands groupes diversifiés, n'est-ce pas le cas de Groupama que vous dirigez ?L'application de Solvabilité 2 est relativement neutre pour Groupama et nous savons très bien comment nous allons nous adapter pour optimiser les choses. Donc ce n'est pas un sujet d'intérêt immédiat pour nous. C'est au titre de président de la Fédération française des sociétés d'assurance mutuelles (FFSAM) que je m'y oppose car je pense que c'est un mauvais système pour l'industrie de l'assurance et pour la société en général.Solvabilité 2 ne permettra-t-elle pas de mieux comparer les comptes des assureurs d'un pays à l'autre ?Solvabilité 2 n'améliorera en aucune manière la comparaison des chiffres entre les compagnies pas plus que les normes comptables IFRS ne le permettent. Car en plus de la méthode standard de calcul de la solvabilité, il y aura des modèles internes qui contiendront des formules différentes d'une société à l'autre. À la sortie, on aura un chiffre, qui pourra être comparé, mais on ne saura pas comment il aura été calculé.Les normes Solvabilité actuelles n'ont-elles pas besoin d'être modernisées ?On reproche à Solvabilité 1 d'être rustique mais cela n'a pas provoqué de catastrophe. Mon propos aujourd'hui n'est pas d'enterrer Solvabilité 2 mais de dire qu'il faut retravailler le sujet avec l'objectif de préserver les assurés et à la lueur des enseignements qui vont être tirés des erreurs de Bâle 2. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui souhaitent une adoption de Solvabilité 2 en l'état pour l'améliorer après, car ce serait trop dangereux.
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