L'uranium ne profite pas de la mode nucléaire

Les « yellowcakes », ces galettes jaunes chargées à 75 % d'oxyde d'uranium ont électrisé les investisseurs en 2008. 42,1 millions de livres d'uranium ont changé de main cette année là, soit deux fois plus qu'en 2007. Les intervenants financiers se sont délesté de la matière radioactive, faisant chuter les prix de 44 % sur l'année. Et malgré l'effet de mode dont bénéficie le nucléaire, les cours restent orientés à la baisse, à 48 dollars la livre selon les dernières données d'Ux Consulting, la seule place de marché du secteur. cercle vicieuxCar si le nucléaire est tendance, la consommation d'uranium ne s'envole pas dans l'immédiat. Seuls 429 réacteurs sont en activité dans le monde, soit moins qu'en 2002, en raison de l'arrêt de centrales vétustes dans les pays de l'Est, et des 7 réacteurs de Kashiwazaki au Japon, depuis le tremblement de terre de juillet 2007. La consommation est aussi modérée par le recyclage : « une vingtaine de centrales ?moxent? en France, c'est-à-dire qu'elles recyclent une partie de l'uranium qu'elles consomment », observe Henri Safa, responsable du Conseil scientifique du Commissariat à l'énergie atomique. Le cycle de l'uranium est en train de s'allonger : les « crayons » chargés d'uranium, qui restent déjà trois ans dans les réacteurs, sont amenés à être mieux recyclés dans le futur. Les 34 centrales actuellement en construction devraient donc consommer moins que les 27 tonnes d'uranium absorbées tous les ans par leurs ancêtres. Mais, devant les projets d'équipement de la Chine et de l'Inde, certains spécialistes s'inquiètent d'un marché structurellement déficitaire, à l'instar de Joel Crane à la Deutsche Bank. La planète a aujourd'hui la capacité de produire 45.000 tonnes d'uranium par an, alors que les réacteurs en dévorent 70.000. Le solde, jusqu'alors fourni par des stocks notamment de l'ex-URSS, est en train de se tarir. Et l'exploitation peine : elle aurait reculé de 3 % en 2008 selon la Deutsche Bank. « Les prix sont trop bas aujourd'hui pour inciter au démarrage de nouvelles mines », explique Sébastien de Montessus, vice-président des activités minières chez Areva. Les réserves disponibles sont aujourd'hui estimées à soixante-dix ans pour 1 livre d'uranium à 135 dollars. Mais à 50 dollars, l'uranium reste sous terre. Un cercle vicieux qui alimente la pénurie à venir. Ainsi Areva a mis en sommeil un vaste projet d'extraction développé avec le canadien Denison dans la Saskatchewan canadien? Or, ce report affecte sérieusement l'offre globale d'uranium attendue d'ici 2013. Seul un regain des cours vers les 80 dollars stimulerait la production. Une hypothèse qui semble toutefois réaliste. « L'appétit des électriciens pour l'uranium se manifeste par le prix des contrats de long terme, qui se maintiennent autour de 70 dollars », avance Sébastien de Montessus, Un prix que le marché au comptant devrait progressivement rattraper. Aline Robert
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