Au fer rouge

D'où qu'on le prenne, le dossier de la Société Générale sent le soufre. Qu'apprend-on, au fil des informations qui s'égrènent heure après heure ? Que le trader fou à l'origine de ces pertes gigantesques a agi dans une relative tranquillité. Qu'il disposait de codes d'accès qu'il a " usurpés " - quel mot étrange dans ce contexte. Que ce monsieur avait commencé à user de ses pratiques douteuses dès... 2005 ! Que, selon ses dires, d'autres traders agissaient également au-delà des limites fixées par les systèmes de sécurité... Ce seul petit lot d'informations, si elles sont confirmées par les enquêtes, met à mal, et lourdement, la réputation de la banque, qui se devait - et se targuait ! - d'être exemplaire en matière de contrôle des risques, en l'occurrence la moindre des choses pour le numéro un mondial des marchés dérivés. Deuxième facteur d'atteinte à la réputation, les ventes d'actions Société Générale, début janvier, par un de ses administrateurs qui font peser un soupçon de délit d'initiés. Même si l'établissement n'y est pour rien, voilà qui fait tache dans un paysage déjà très assombri. Troisième facteur de suspicion, la façon dont, à La Défense, on a voulu à tout prix dénouer cette crise, quitte à creuser les propres pertes de la banque et à emballer celle des marchés financiers. Ils devaient le faire, mais fallait-il que cela fût fait avec un tel calendrier ? La question reste posée. Enfin, l'impunité des principaux dirigeants, maintenus dans leurs fonctions par un conseil d'administration bienveillant, suscite l'étonnement, sinon plus, y compris dans les plus hautes sphères de l'État. On peut évidemment reconnaître à la Société Générale sa capacité à réagir, son souci de transparence, son professionnalisme dans la gestion de cette crise inouïe. Et notamment le fait que, jusqu'à présent, et c'est tant mieux, les clients sortent indemnes de cette catastrophe. Cela suffira-t-il pour redresser la barre ? On peut en douter. Car, au-delà de cette actualité brûlante, c'est la réputation de la banque qui est aujourd'hui menacée. Le Crédit Lyonnais, qui a fini par tomber dans l'escarcelle du Crédit Agricole, ne s'est jamais remis de ses avatars du passé. La Société Générale court le risque, dans ces journées folles, d'être marquée à jamais du sceau de la faillite de ses systèmes de sécurité, une brûlure au fer rouge pour un établissement bancaire. Au point que la banque joue gros, très gros même, puisque c'est de son indépendance qu'il s'agit.
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