Réforme de la SNCF : la CGT et la CFDT remettent la pression

INDÉPENDAMMENT de la mise en cause de la responsabilité de son président, Loïk Le Floch-Prigent, dans les affaires Elf, le dossier SNCF redevient chaud pour le gouvernement. Après plus de cinq heures de débat en comité central d'entreprise, les deux principaux syndicats, la CGT (11 élus sur 20) et la CFDT (4 élus), ont en effet refusé hier soir de cautionner le projet de réponse de Loïk Le Floch-Prigent à une lettre adressée il y a une semaine par le Premier ministre, dans laquelle Alain Juppé entérinait le cadre et les modalités de la réforme de la SNCF. Leur position - attendue - est d'autant plus embarrassante pour les pouvoirs publics que les deux documents, qui seront également examinés le 10 juillet par le conseil d'administration, sont censés consacrer les engagements réciproques de l'Etat et de la SNCF. En clair, ils se substituent au contrat de plan, aujourd'hui abandonné. Le projet de réponse, amendé par les autres syndicats, a été voté par une voix seulement, 3 élus s'abstenant, le dernier votant contre. Dans un communiqué, la CGT a notamment indiqué que la réunion n'avait « pas permis de préciser davantage les garanties » qu'elle exige sur l'unicité de l'entreprise, ses missions, le statut du personnel et le service public. De fait, le syndicat déplore essentiellement l'absence de décret d'application concernant le futur établissement public, auquel l'Etat confiera le réseau, au 1er janvier 1997, la SNCF en restant le gestionnaire. Un projet de loi est en effet prévu, mais seulement à l'automne. La CGT a donc tenu à en souligner l'importance, indiquant qu'il s'agissait bien d'« une nouvelle organisation du transport ferroviaire » dont il est question, avant d'appeler les cheminots à « rester plus que jamais mobilisés ». De son côté, la CFDT a exprimé son « refus du plan Juppé-Le Floch-Prigent », expliquant notamment que le texte de la présidence de la SNCF est une « réponse à de mauvaises questions ». De même, la confirmation du transfert de 125 milliards de francs de dettes (fin 1996, l'endettement de la SNCF atteindra 206 milliards), lié à la création de l'établissement, n'a pas donc pas été un argument gouvernemental décisif. La CFDT continue d'ailleurs de prôner un désendettement total de l'entreprise. De plus, le recentrage de l'entreprise sur son métier de transporteur ferroviaire est mis en cause. Dans sa lettre, Alain Juppé demandait en effet à Loïk Le Floch-Prigent d'isoler les activités non liées à l'exploitation dans un holding spécifique, l'objectif étant de saisir « rapidement » « toutes les possibilités de valorisation de patrimoine ». Ce holding, à propos duquel Loïk Le Floch-Prigent s'est engagé dans son projet de réponse à en faire étudier « dans les prochaines semaines » la faisabilité, devrait notamment chapeauter la compagnie de ferries SeaFrance, les autocars Cariane, les hôtels Frantour, la participation de la SNCF dans le capital d'Air Inter (12,3 %). Autre sujet toujours sensible : la réforme des services régionaux de voyageurs, dont Alain Juppé a confirmé l'expérimentation - pendant trois ans, à compter du 1er janvier 1997 - dans six régions volontaires (Alsace, Centre, Midi- Pyrénées, Pays de la Loire, Rhône-Alpes, et Nord-Pas-de-Calais, qui a récemment menacé de retirer sa candidature). Le Premier ministre avait pourtant rappelé que l'expérimentation sera réversible et sans transfert de charges. En outre, le retour rapide et durable à l'équilibre de toutes ses activités (grandes lignes, services régionaux de voyageurs, fret et Sernam) est durement contesté par la CFDT. Dans son projet de réponse, Loïk Le Floch-Prigent s'était engagé sur un scénario en deux épisodes : retour à l'équilibre global d'ici à 1998 ; retour à l'équilibre de toutes les activités à l'horizon 2000. Enfin, l'absence de contrat de plan qui, selon les deux syndicats, est le seul moyen de garantir les engagements de l'Etat, pose toujours problème. C'est donc toute l'architecture de la réforme de la SNCF qui a été rejetée hier soir par la CGT et la CFDT. Les pouvoirs publics pourront difficilement ne pas en tenir compte, bien que le conseil d'administration de la SNCF devrait, pour sa part, entériner le projet de réforme. C. P.
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