Marché unique : la zizanie monétaire

L'encre du traité de Maastricht traçant la route vers la monnaie unique à peine sèche, l'Union européenne a connu une forte secousse monétaire. C'était là la première tentative sérieuse des marchés financiers testant la volonté politique des Etats membres de lier leurs monnaies pour le meilleur et pour le pire. On connaît la suite. En septembre 1992, la livre sterling et la lire italienne ont dû quitter le Système monétaire européen (SME). En août de l'année suivante, les grands argentiers et les patrons de banques centrales se sont résolus à élargir les bandes de fluctuations à 15 % pour protéger les autres monnaies fragiles, dont le franc français. En trois ans, la lire italienne a perdu 32 % de sa valeur par rapport au mark allemand, la couronne suédoise 27 %, la peseta espagnole 25 % et la livre sterling 20 %. Ces turbulences monétaires n'ont pas été provoquées par les Etats membres concernés pour en dégager des gains de compétitivité mais plutôt par les faiblesses de leur économie : notamment les écarts de taux d'inflation pour l'Italie et l'Espagne, et le taux de change irréaliste choisi par le Royaume-Uni pour intégrer le SME. La crise du mécanisme de change de l'été 1992 a révélé que la stabilité monétaire requiert une discipline accrue des Etats membres. Et qu'il ne servait à rien de vouloir faire entrer dans l'union monétaire des pays qui ne pourraient en supporter les contraintes. De surcroît, les turbulences monétaires ont placé un gros grain de sable dans le fonctionnement du marché unique. Certains secteurs (automobile, textile-habillement, produits agricoles) dans les pays dont la monnaie s'est trouvée appréciée ont connu des difficultés de pénétration dans les marchés des pays dont la monnaie s'est dépréciée. Les fluctuations monétaires successives ont également posé des problèmes d'ajustement pour l'économie de certaines régions frontalières (notamment en France et en Autriche). Les entreprises victimes de ces distorsions de concurrence n'ont pas tardé à réclamer des mesures de soutien spécifiques. Mais cela risque de provoquer une escalade de dépenses nationales préjudiciable aux finances publiques, donc à l'avènement de la monnaie unique. Or c'est justement la monnaie unique qui constitue la solution définitive aux turbulences monétaires... Marc DEGER
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