Rendre efficaces les niches fiscales pour la création d'entreprises

L'État français désargenté est en train de découvrir que plusieurs niches fiscales défient le bon sens et servent plus à défiscaliser qu'à créer de la richesse. C'est le cas de celles qui devraient permettre aux innovateurs de mettre en oeuvre leurs innovations en leur donnant les moyens de financer la création d'entreprises, de transformer l'innovation, que tous les politiques invoquent dans leurs discours, en emplois. Or une entreprise innovante a besoin, à sa création, généralement de 300.000 euros à 600.000 euros pour pouvoir embaucher des collaborateurs, les payer pendant que le chiffre d'affaires monte ou que les prototypes font leur preuve. Avec les plafonds de déduction ? 66.666 euros pour l'ISF-Tepa, 50.000 euros pour un célibataire sous l'avantage Madelin ?, il faut donc trouver une dizaine à une vingtaine d'actionnaires, un marathon qui revient en fait à exclure les investisseurs directs. Il faudrait pouvoir rassembler ces capitaux avec deux ou trois « business angels », comme à l'étranger où 95 % de l'investissement des business angels se font par investissements individuels de plus de 100.000 euros. Ces plafonds ridiculement bas ont inversement conduit au développement de fonds d'intermédiation, utilisant les circuits bancaires pour faire la collecte de ces petites sommes. C'est de la défiscalisation, pas de l'investissement. Or les Américains avaient déjà découvert en 1958, il y a un demi-siècle, que les fonds communs ne doivent pas s'occuper de financer la création d'entreprises, sauf exceptions : les sommes nécessaires sont trop faibles et ces investissements beaucoup trop risqués. Si l'on mesure l'efficacité de nos deux niches fiscales, l'avantage Madelin (article 199 terdecies-0 A du Code des impôts) et l'ISF-Tepa, à l'aune de la création d'entreprises, il n'est donc pas surprenant que le bilan soit mauvais : au maximum 10 % du milliard que coûtent ces niches fiscales servent à ces créations. Cela explique qu'il n'y a pas d'argent pour créer des entreprises de croissance en France, et l'atonie des créations de gazelles et d'emplois. Aussi, ce sont seulement 40.000 entreprises avec salariés qui sont créées en France chaque année contre plus de 100.000 entreprises en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Les innovations qui créent rapidement des emplois sont, en outre, fondées sur des idées marketing et nécessitent, plus que des moyens techniques, de l'argent au démarrage. L'exemple en est Federal Express, qui n'avait inventé ni les ordinateurs, ni les téléphones mobiles, ni les avions à réaction, mais mettait toutes ces innovations faites par d'autres au service d'un besoin : délivrer une lettre le lendemain matin. Avec nos incitations petits bras qui incitent à défiscaliser sans risque, la France, comme le remarque l'OCDE, a seulement 20 % d'innovation non technologiques contre 57 % pour les Allemands. La seconde erreur de l'avantage Madelin comme de l'ISF-Tepa est de consentir une déduction fiscale, coûteuse pour le budget, sans la garantie d'une prise de risque par l'investisseur. Ces mesures visent comme bénéficiaires les PME, des entreprises qui peuvent compter jusqu'à 250 salariés et qui sont généralement sorties des incertitudes du démarrage au lieu de viser les petites entreprises de moins de 50 salariés comme le font les Anglais depuis 2005 et comme y encourage Bruxelles depuis 2006. Il faudrait aussi exclure des investissements peu risqués comme les maisons de retraite ou la location de matériel. La grande révision en cours des niches fiscales est enfin l'occasion de relever les plafonds pour générer des vocations d'investisseurs de qualité qui ne sont pas juste des candidats à la « défisc'», mais de véritables business angels. Pour que, enfin, en France, réunir 500.000 euros pour les premiers pas d'une entreprise ne soit plus un marathon impossible. C'est l'objet de la proposition de loi déposée hier à l'Assemblée nationale par le député Nicolas Forissier et au Sénat par le sénateur Philippe Adnot. Ils présentent cette proposition ce matin dans un colloque que la Fondation iFRAP organise au ministère des Finances. Point de vue Bernard Zimmern Président de l'iFRAP, fondation évaluant les politiques publique
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