Événement incontournable pour tous les passionnés de régates...

« Tuiga », un centenaire encore très ardentIl est là, amarré devant Sénéquier, à sa place d'honneur comme il se doit. « Tuiga », l'élégant voilier dessiné et construit par William Fife III en 1909, est chaque année le favori des Voiles de Saint-Tropez au côté des autres Fife, « Moonbeam » et « Lady Ann ». Il accueille cette année un sistership à sa hauteur : « Mariska », construit en 1908, vient d'être remis à l'eau il y a quelques semaines, après deux ans de restauration aux chantiers de La Ciotat. Leur dernière confrontation date de 1919. « Tuiga », vaisseau amiral du yacht-club de Monaco, fait partie de la classe des quinze MJI, les fameux classe J, définis par des longueurs de jauge. Ce 22,50 mètres est avec « Hispania » et « Lady Ann » l'un des derniers survivants de cette classe, sortis du chantier écossais de Fairlie.Un siècle de régates historiquesEn soufflant ses cent bougies, « Tuiga » remet en lumière tout le faste de la voile traditionnelle. Car, derrière la superbe bête de course, c'est toute une époque qui défile dans son sillage. C'est d'abord l'histoire d'une commande du duc de Medinacelli, en vue de régater contre « Hispania », le voilier du roi d'Espagne Alphonse XIII. S'ensuivent des courses acharnées entre ces deux bolides, dont la légende raconte que « Tuiga » ne pouvait ravir la place au pur-sang du roi? par respect. Durant la Première Guerre mondiale, mis en vente, il change plusieurs fois de propriétaire, de nom, mais remporte le Fastnet en temps réel en 1935. Des années de charters ont raison de sa beauté et de son élégance, mais il est sauvé par Duncan Walker, directeur du chantier Fairlie Restorations à Southampton. Le voilier mettra quatre ans à retrouver tous les détails imaginés en 1909 par le génial architecte William Fife. Jusqu'à ce qu'un prince croise de nouveau sa route. C'est à cette même place où il est ces jours-ci amarré qu'Albert de Monaco et Bernard d'Alessandri, secrétaire général du yacht-club de Monaco, tombent sous le charme de ses lignes. C'est avec eux qu'il va revenir sur la scène des régates et du yachting de tradition.Aujourd'hui, le plus beau bijou de la principauté régate en Méditerranée et continue d'aligner des victoires. « Il est, pour nous, un ambassadeur de charme qui va bien avec nos valeurs, entre élégance et tradition, sans afficher trop de glamour », souligne Bernard d'Alessandri, skipper de « Tuiga » et toujours aussi fasciné : « Quand on pense qu'il a été construit en six mois et qu'il faut maintenant des années pour restaurer un bateau pareil. Désormais, personne ne saurait faire aussi vite. Ils avaient un savoir-faire à nul autre pareil. »Mutation des voiliersLa légende de « Tuiga » est intacte. En 1996, à sa barre, éric Tabarly le sacre « le plus bel empereur des mers ». Quant au photographe italien spécialiste du yachting, Franco Pace, il le juge « le plus photogénique des bateaux de régate ». Reste à lui conserver ses qualités sportives. Ce qui n'est pas gagné. Car l'engouement pour ces bateaux de tradition, s'il a été opportunément porté par de belles marques de luxe et de richissimes entrepreneurs, a négligé l'esprit de compétition. Ainsi, lors des restaurations coûteuses, il n'est pas rare de voir ces bateaux s'équiper des dernières techniques ou de matériaux plus performants. Or d'autres concurrents, qui ont eu à c?ur de conserver tous les éléments d'époque, peuvent être, de fait, défavorisés en régate. « Ce qui manque, c'est une autorité sportive », regrette Bernard d'Alessandri. Il souhaite surtout que l'on puisse éviter d'acheter un bateau classique pour le dénaturer en lui mettant, par exemple, un mat en carbone dans le seul but de rafler les premières places en course. Car ces jolis destriers des mers font incontestablement partie du patrimoine. Et il ne faudrait pas contredire éric Tabarly qui avait l'impression, aux Voiles de Saint-Tropez, en déambulant sur les quais, de « marcher dans un livre ouvert ».Sophie Péters
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