Un « Homme à tête de chou » en demi-teinte

ectacleTroublant testament que cet « Homme à tête de chou ». Projet laissé en suspend par un Alain Bashung frappé par la maladie, il aurait pu ne jamais voir le jour. Mais le voici, huit mois après le décès de l'artiste, sous la forme d'un ballet signé du chorégraphe Jean-Claude Gallotta où résonne, comme clamée d'outre-tombe, la voix grave et traînante du chanteur.Le disque « l'Homme à tête de chou », paru en 1976, fait partie des grands échecs commerciaux de Gainsbourg. Il faudra attendre la reconnaissance artistique de la fin des années 1990 pour que l'album soit salué comme une réussite. À la manière d'« Histoire de Melody Nelson » (1971), il s'agit d'un « concept album » qui raconte, au fil des chansons, une seule histoire. En l'occurrence, le coup de foudre d'un quadragénaire pour une petite shampouineuse, Marilou. L'homme est jaloux, la femme volage. Inévitablement, le conte tourne au drame. À coups d'extincteur, l'homme tue sa bien aimée, avant de sombrer dans la folie.un phrasé inimitableLorsque Bashung est approché pour ce projet scénique, il est question qu'il réinterprète chaque soir, au milieu des danseurs, les chansons de Gainsbourg. Avant de donner son accord, le chanteur demande à faire un essai studio pour s'assurer que sa voix se prête bien aux mélodies. Il n'y aura qu'une seule prise. C'est celle que l'on entend aujourd'hui durant le spectacle. Occupé par l'enregistrement de son disque « Bleu pétrole » mais aussi fatigué par la maladie, l'artiste sait qu'il ne pourra pas porter sur scène un projet d'une telle envergure. Satisfait des bandes qu'il a enregistrées, il donne son accord pour une éventuelle utilisation et abandonne l'entreprise.Aujourd'hui, sur scène, une chaise vide le figure. Parfois, alors que sa voix se laisse entendre à travers les enceintes, on l'imagine, avec son allure nonchalante, sa dégaine de vieux bluesman. On imagine aussi ce qu'aurait pu être la bande-son si le chanteur avait eu le temps de mieux s'entraîner. Le résultat actuel est déjà très réussi. Si quelques fois, comme durant « Marilou sous la neige », sa voix manque d'assurance, à d'autres moments elle fait des miracles. Les « Variations sur Marilou » en sont un magnifique exemple. En jouant plus subtilement avec les allitérations, l'interprétation de Bashung surpasse peut-être même celle de Gainsbourg. Son timbre, son phrasé inimitable, transmettent une émotion grandiose.On aimerait en dire autant de la danse qui l'accompagne. Mais il faut bien admettre que la chorégraphie pour 14 danseurs de Jean-Claude Gallotta, très marquée par les années 1980, n'atteint pas le même niveau. Elle ne parvient que trop rarement à trouver l'équilibre juste ? qui participe à la réussite de l'?uvre de Gainsbourg ? entre violence et sensualité, amour et haine. Dommage. On se consolera en se laissant porter par la voix envoûtante du grand Bashung. n Jusqu'au 19 décembre au Théâtre du Rond-Point à Paris puis en tournée en province. Tél. : 01.44.95.98.21 ; www.theatredurondpoint.f
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.