«Une restructuration de la dette est inévitable»

STRONG>Compte tenu de la faible croissance et de l'inflation en hausse en Europe, y compris en Grande-Bretagne, voyez-vous un risque de déflation pour le continent ?Bien sûr avec l'augmentation des prix du pétrole, semaine après semaine et les troubles au Moyen-Orient, il y a un risque de stagflation. Cela dépendra si les prix du pétrole se stabilisent au niveau actuel ou augmentent encore plus. S'ils restent à ce niveau et reculent même un peu à la faveur d'un plus grand calme au Moyen-Orient, il y aura un ralentissement de la croissance pas seulement en Europe mais aussi dans les pays industrialisés et les économies émergentes. Il y aura certes une hausse modeste du taux d'inflation général mais l'inflation sous-jacente (excluant les prix alimentaires et ceux du pétrole) est toujours assez basse aux États-Unis et en Europe, environ 1 %, soit bien en dessous des 2 % d'inflation plafond.Par conséquent il y aura un peu de hausse de l'inflation et un ralentissement de la croissance mais il n'y aura pas de stagflation dans le traditionnel sens du terme c'est-à-dire une récession et une inflation assez élevée et croissante. Il y aura des pressions stagflationnistes mais pas une vraie stagflation.Un avertissement toutefois : en 2008 nous avons déjà eu un choc avec un prix du baril WTI atteignant 140 dollars, Cela a contribué à faire basculer la conjoncture mondiale vers la récession, cette dernière ne provenant pas seulement de la faillite de Lehman Brothers et de la contagion financière. Et une fois dans cette grave récession, nous avons eu au lieu de l'inflation une déflation. Si le choc pétrolier actuel était suffisamment grand pour replonger des pays en récession, il n'est pas sûr que le résultat sera de l'inflation mais plutôt un chômage croissant limitant la poussée inflationniste. Le plus grand risque dérivant d'un choc pétrolier est plus un risque sur la croissance que d'inflation dans les pays industrialisés. Dans les pays émergents c'est différent car ils ont déjà en surchauffe avec une inflation moyenne autour de 5 % à 7 %.Faut-il restructurer la dette publique des pays européens en difficulté comme la Grèce ?Une restructuration de la dette, qu'elle soit publique ou privée, est inévitable. Dans le cas spécifique de la Grèce, même si elle remplissait la feuille de route imposée par le FMI et l'UE, soit un ajustement budgétaire de près de 10 % de son PIB, la dette publique grecque se stabilisera à 150 % du PIB d'ici deux ans. C'est un niveau très instable car le moindre choc pourrait creuser cette dette. C'est un problème de solvabilité. Des pays comme l'Argentine et la Russie ont fait défaut avec une dette s'élevant à 50 % de leur PIB... La question n'est pas s'il y aura une restructuration de la dette grecque mais plutôt quand elle aura lieu et à quelles conditions. Le plus tôt sera le mieux : cela serait plus favorable aux marchés et plus ordonné, attendre pour le faire signifie de plus grandes pertes pour les investisseurs.Que doit faire la zone euro pour sortir de sa croissance faible et sa crise de la dette ?Pour les pays de la périphérie de la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne...), il est important qu'ils retrouvent le chemin de la croissance. Beaucoup de leurs réformes structurelles actuelles sont nécessaires mais à court terme elles empirent leur récession, en augmentant les impôts, réduisant les dépenses, en supprimant des postes dans la fonction publique. Restaurer sa compétitivité prend du temps, il suffit de se rappeler que l'Allemagne a mis dix ans pour le faire. Pour retrouver rapidement de la croissance il faut une politique monétaire accommodante, un euro plus faible et que l'Allemagne retarde sa propre austérité budgétaire pour stimuler sa croissance, sinon cela ne soutiendra pas l'activité dans les pays « périphériques ».Qu'attendez-vous du plan quinquennal chinois qui sera présenté dans les prochains jours (voir pages 2 et 3) ?En acceptant un objectif de croissance légèrement plus bas - 7 % au lieu de 7,5 %- les Chinois commencent à réaliser que ce n'est pas tant la quantité que la qualité de la croissance qui importe. Or beaucoup de la croissance chinoise de ces dix dernières années, à un rythme de 10 % par an, s'est faite au prix d'une dégradation de l'environnement, notamment de la qualité de l'air, de l'eau mais aussi d'une plus grande inégalité entre les revenus et les régions.Par ailleurs ils ont toujours dit ces dix-quinze dernières années qu'ils veulent que la consommation représente une plus grande part de leur Produit Intérieur Brut (PIB). Mais ces dix dernières années, ils ont échoué dans cette entreprise.Déjà dans son dernier plan quinquennal la Chine annonçait que la consommation devrait croître par rapport à son PIB.Or elle est au contraire passée de 42 % du PIB à 37 % aujourd'hui. Mais leur modèle économique de croissance est trop basé sur l'augmentation des exportations, des investissements et une épargne élevée. La consommation représente seulement un tiers du PIB chinois alors que la proportion est de 70 % aux États-Unis et de deux tiers dans la plupart des pays.Le plus grand défi de la Chine n'est pas d'atteindre tel ou tel taux de croissance, mais plutôt de privilégier la consommation sur l'export, les investissements et l'épargne. Nous verrons s'ils atteignent cet objectif.Propos recueillis par Frank Paul WeberRetrouvez l'intégralité de cet entretien, à partir de 11 heures, sur latribune.fr
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