À Francfort, la BCE met son crédit en jeu

La crise grecque provoque un dommage collatéral inattendu?: elle a bloqué la stratégie de sortie de crise de la Banque centrale européenne, la contraignant même à prendre de nouvelles mesures d'urgence inédites. Elle a ainsi annoncé lundi qu'elle annulait purement et simplement le seuil minimal d'éligibilité des titres de la Grèce - les « collatéraux » dans le jargon financier - acceptés aux opérations de refinancement de la BCE. La banque centrale des Seize avait déjà assoupli les règles concernant les collatéraux pour tous les émetteurs de la zone euro au plus fort de la crise financière, portant au niveau de la catégorie investissement BBB?, au lieu de A? avant les soubresauts de l'automne 2008, les titres acceptés en garantie lors de ses appels d'offres. Cette disposition devait prendre fin en décembre de cette année. Mais contrairement à ses principes qui veulent que la BCE n'accorde jamais de traitement particulier à l'un de ses membres, c'est au nom de la Grèce dont un défaut de paiement « est hors de question » que Jean-Claude Trichet a annoncé le 8 avril le prolongement du dispositif en 2011.La décision prise hier par la BCE lance un message clair?: elle neutralise le pouvoir d'influence des Moody's, Standard and Poor's et autres Fitch, violemment critiqués par les responsables politiques européens et les banquiers centraux. Les agences d'évaluation financière, dont la BCE refuse d'être l'otage, peuvent désormais abaisser la note souveraine de la Grèce à un niveau inférieur à BBB?, à l'instar de S&P la semaine dernière, sans mettre sens dessus dessous le marché des emprunts d'État et les banques grecques. « La décision n'a sûrement pas été prise de gaieté de coeur, mais elle reflète l'approche pragmatique et flexible de la BCE », estime Gilles Moec, qui avertit cependant que si le cadre actuel des collatéraux devenait la règle, l'image d'ancre de stabilité dans le système financier européen de la BCE risquerait d'être écornée.assouplissement des règlesD'autant que les dernières concessions pourraient être suivies d'autres mesures pour éteindre l'incendie si l'assouplissement de la règle sur les collatéraux ne suffit pas. Deux mesures complémentaires sont d'ores et déjà évoquées. La BCE pourrait rouvrir les guichets des adjudications à long terme (six mois et un an) qu'elle avait fermés progressivement depuis fin décembre et acheter des titres de la dette publique de la zone euro sur le marché secondaire.Car c'est l'autre message délivré lundi par la BCE?: tout sera mis en oeuvre pour sauver l'euro, dont la survie serait menacée par la mise en congé de l'un des membres de la zone. Pour l'heure les investisseurs lui accordent leur confiance. Même s'ils ont laissé l'euro dériver à son plus bas niveau depuis un an, jusqu'à 1,3135 dollar la semaine dernière, ils ne lui ont pas fait subir d'attaques frontales. Isabelle Croizard
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