« Il est important que nous tenions les engagements du G20 »

LUDOVIC/REA« En tant que régulateurs, nous avons besoin de bien connaître les transactions comme les intervenants. »Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiersLes pistes de réforme de la directive Marchés d'instruments financiers avancées par le CESR répondent-elles à vos attentes ?Nous devons avoir une approche politique : quel marché européen voulons-nous, avec quelle finalité ? En tant que régulateur, ma priorité est de m'assurer que le marché soit le lieu de rencontre entre l'émetteur et l'investisseur et qu'il finance correctement l'économie réelle. Or, le bilan de cette directive apparaît très mitigé. Elle a conduit à une concurrence désordonnée entre lieux d'exécution des ordres, à une fragmentation de la liquidité et à plus d'opacité sur les transactions. Que les émetteurs, eux-mêmes, ne sachent plus ce qui se passe sur leurs titres est assez grave. Quant à l'investisseur, il reste confronté à des coûts élevés. Il faut donc revenir aux fondamentaux : transparence et équité. Et c'est tout le sens du message que j'ai fait passer, la semaine dernière encore, à Michel Barnier. Or, la consultation du CESR n'est pas suffisamment ambitieuse : elle ne propose qu'un toilettage technique alors qu'il faudrait aller vers une équité de traitement entre les différentes places d'exécution et faire en sorte que les zones de non droit restent limitées. Quelles sont vos priorités pour MIF 2 ?Face à des marchés de gré à gré qui représentent 40 % des échanges en Europe, il est important de tenir les engagements pris dans le cadre du G20 afin de garantir un cadre efficace et équitable pour l'exécution des transactions sur actions sur ces marchés. Aujourd'hui, l'un des problèmes identifiés est que nous n'avons pas de système organisé de transparence post-négociation. Le CESR doit traiter ce sujet sans ambiguïté. Il faut aussi encadrer les « dark pools » [poles de liquidité exemptés de transparence sur les intérêts à l'achat et à la vente, ndlr]. Car avec leur montée en puissance, nous n'avons pas gagné en transparence. Les dérogations prévues par la MIF au principe de transparence prénégociation doivent être plus précisément définies et plus strictement encadrées. Pour l'AMF, les ordres qui ont vocation à participer à la formation des prix ne devraient pas bénéficier de cette dérogation, au nom de la transparence. Les exemptions pour les ordres de gros montants qui pourraient déstabiliser le marché sont en revanche raisonnables. Enfin, l'évolution des techniques de négociation doit être prise en compte. Le trading à haute fréquence représente environ 35 % de l'activité en Europe et pourrait atteindre 60 % comme aux états-Unis d'ici à 2012. En tant que régulateurs, nous avons besoin de bien connaître les transactions comme les intervenants afin d'être en mesure de vérifier qu'ils bénéficient d'un accès équitable au marché. Il est donc important que l'Esma [la future autorité de supervision européenne pour les marchés, qui viendra remplacer le CESR] se mobilise sur ces sujets et soit en mesure de connaître précisément ces pratiques.Aux états-Unis, le régulateur a proposé un système de reporting pour faire la lumière sur le trading à haute fréquence. Prônez-vous un tel système ?La SEC a fait des propositions intéressantes. Je ne voudrais pas que le CESR soit en retard. Le Comité vient de lancer un groupe de travail pour voir de quels outils de surveillance efficaces se doter. Mais, plus on décidera tardivement, plus nous serons en décalage avec la volonté affichée lors des différents G20. Sans compter le temps nécessaire à la mise en route une fois les décisions prises, ce qui rajoute deux à trois années supplémentaires. Vous semblez attendre davantage de la future autorité européenne des marchés que de l'actuel CESR ?Nous attendons trois ou quatre avancées majeures : l'Esma doit pouvoir décider avec des règles de majorité, être dotée de règles contraignantes vis-à-vis des régulateurs nationaux, obtenir des pouvoirs d'urgence et bénéficier d'équipes de professionnels. à défaut, mes ardeurs européennes auront été refroidies. Mais si l'on doit encore continuer un an et demi avec le CESR, nous prendrons du retard dans la mise en oeuvre des préconisations du G20. Aujourd'hui, l'une des forces de l'Europe par rapport aux états-Unis, ce sont les résultats des travaux de Jacques de Larosière sur la future architecture de surveillance européenne. Si le Parlement européen, le conseil Ecofin et la Commission ne parviennent pas à s'entendre vite sur la mise en oeuvre de ce cadre, nous perdrons cet avantage. Propos recueillis par Christèle FradinL'Esma doit pouvoir décider avec des règles de majorité, être dotée de règles contraignantes vis-à-vis des régulateurs nationaux.
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