Les jeux de la pulsion et du hasard

De folie il est bien question dans « les Herbes folles », le dernier long métrage d'Alain Resnais. Mais d'une folie saine, de la plus belle espèce. De celle qu'il nous faut célébrer comme la part de liberté à préserver dans une société du risque zéro. Tout part d'un portefeuille, celui d'une certaine Marguerite Muir ? sûrement un clin d'?il à Gene Tierney dans « l'Aventure de Madame Muir » ?, trouvé par Georges Palet (André Dussollier) dans un parking. Il le ramasse et, de retour chez lui, hésite à l'appeler. Il commence à fantasmer. Son désir naît avant même de lui parler au téléphone. « je vous ai crev頻Tétanisé, il préfère déposer le portefeuille au commissariat pour laisser au hasard le soin de la rencontre. On croit comprendre qu'il a peut-être un lourd passé ou seulement des pulsions difficiles à contrôler. On découvre aussi un bon père de famille, marié depuis trente ans à une femme douce et attentive (Anne Consigny), finalement peut-être plus aux prises avec ses fantasmes qu'avec son passé.Elle, Marguerite Muir ? jouée par Sabine Azéma ? est dentiste et passionnée d'aviation. Ravissante et facétieuse, elle a un petit faible pour les jolis escarpins. C'est d'ailleurs en allant les acheter ? admirable scène du début du film où seuls ses pieds sont filmés, marchant dans les galeries du Palais-Royal jusqu'à l'essayage puis l'achat des chaussures ? qu'elle se fait arracher son sac à main. Georges Palet est fasciné par cette femme pilote, belle et originale. Il la harcèle de courriers, jusqu'à commettre des actes déraisonnables comme celui de lui crever les pneus de sa jolie voiture de course. « Je vous ai crev頻 lui dit-il. Mais au moment où il prend de la distance la voilà qui se rapproche. À son tour, elle va le suivre de façon totalement irrationnelle.Adapté du roman de Christian Gailly, « l'Incident », « les Herbes folles » parle du désir du désir, de personnages incapables de résister à l'envie d'accomplir des actes incohérents comme une course à l'erreur. Le titre renvoie ainsi à ces graines qui profitent d'une fente dans l'asphalte des villes pour pousser là où on ne les attend pas. Le narrateur suit les personnages avec bienveillance et souligne par une diction parfois hésitante leurs contradictions. Édouard Baer y déploie un art de la voix off avec un naturel époustouflant.grâce et légèretéÀ 87 ans, Alain Resnais atteint des sommets de créativité. Son film conjugue grâce et légèreté avec bonheur. Convaincu de passer son temps à côtoyer l'imprévu, le réalisateur de « On connaît la chanson » continue, de film en film, de mettre son imagination en sons et en images. Lui qui se considère, dans un entretien à « Télérama », comme « un bouchon sur la vague », estime avoir dans la vie une part de libre arbitre d'à peine 1 %. De quoi nous alléger. n ciném
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