Le contrat de génération, la carotte et le bâton

Le ministre du Travail Michel Sapin a dévoilé ce mercredi 5 septembre l\'architecture du futur contrat de génération dans un document envoyé au patronat et aux syndicats, priés de négocier sur ce thème d\'ici la fin de l\'année. Le \" nouveau\" contrat de génération, véritable pacte générationnel, à défaut de respecter à la lettre la promesse électorale du candidat François Hollande, en conserve au moins l\'esprit. Au départ, le contrat de génération, l\'une des mesures phares du candidat socialiste - et qui ne faisait pas l\'unanimité au sein du PS, certains, dont Martine Aubry, craignant un fort effet d\'aubaine -, devait être un dispositif contracyclique ouvert à toutes les entreprises, permettant de lier l\'embauche d\'un jeune de moins de 26 ans au maintien dans l\'emploi jusqu\'à l\'âge de sa retraite d\'un senior de plus de 50 ans. L\'embauche du jeune donnait droit à l\'employeur à une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale. Le maintien dans l\'emploi du senior dans son poste ouvrait droit, lui, pour cette même entreprise à une exonération des cotisations chômage. François Hollande tablait sur environ 500.000 contrats de ce type conclus sur l\'ensemble du quinquennat. Le coût du dispositif était estimé à environ 2,5 milliards d\'euro en vitesse de croisière. Le financement était même déjà trouvé : il s\'agissait d\'abaisser de 1,6 à 1,5 Smic le plafond de rémunération donnant droit aux allégements (dégressifs) de cotisations de sécurité sociale.Pas d\'aide particulière pour les entreprises de 300 salariés et plusDans le document d\'orientation, on retrouve bien la trame de ce dispositif initial... Mais avec de sacrées évolutions tout de même. D\'abords, un distinguo est opéré entre les entreprises de plus de trois cents salariés et les plus petites. Dans les premières, après la signature d\'un accord national entre les partenaires sociaux,  d\'ici la fin de l\'année , organisant les modalités pratiques du contrat de génération (tutorat, formation, rôle du senior, etc.), celui-ci devra être décliné dans chaque société via un accord d\'entreprise. Avec comme date limite le 30 septembre 2013. Etant entendu que ces accords d\'entreprise devront prendre le relais des accords seniors qui devaient être obligatoirement négociés depuis 2009. Et c\'est là qu\'intervient une différence fondamentale de philosophie par rapport à l\'idée initiale de François Hollande : on passe de la carotte au bâton... Non seulement les entreprises de 300 salariés et plus ne recevront pas une aide spécifique pour l\'embauche d\'un jeune et le maintien d\'un senior mais, de surcroît, elles se verront priver d\'une partie des allégement généraux de cotisations de sécurité sociale (entre un Smic et 1,6 Smic) si elles ne concluent pas un accord ou si elles n\'en respectent pas les modalités d\'embauches prévues. Avec cette règle, le gouvernement fait coup double. Premièrement, il donne un gage aux syndicats qui ont toujours été farouchement contre les allégements de cotisations sans aucune contrepartie. Et cette disposition  peut aussi rassurer le Medef qui craignait que le gouvernement revienne immédiatement sur les allègements de cotisations patronales pour toutes les entreprises. Ce n\'est pas le cas et ce ne le sera que si telle ou telle grande entreprise ne joue pas le jeu, la \"sanction\" sera donc individualisée. Deuxièmement, l\'Etat économise les deniers publics. En accordant aucune aide aux entreprises de plus de 300 salariés, le coût du contrat de génération sera singulièrement allégé.4.000 euros annuels par contrat pour les entreprises de moins de 300 salariésS\'agissant des entreprises de moins de 300 salariés où se trouvent 66% des emplois. Une fois l\'accord national finalisé, elles pourront dès janvier 2013 conclure des contrats de génération, sans qu\'il soit nécessaire pour elles de négocier un accord d\'entreprise. L\'UPA (artisans) et la CGPME ont salué le dispositif. Mieux, pour chaque contrat conclu, l\'entreprise recevra durant trois ans une première aide forfaitaire annuelle égale à environ 2.000 euros pour le recrutement du  jeune de moins de 26 ans et une seconde aide forfaitaire annuelle de 2.000 euros également pour le senior gardé dans son poste. Mieux encore - l\'UPA a particulièrement salué cette disposition - un artisan employeur âgé pourra conclure un contrat de génération entre lui et un jeune pour, à terme, lui transmettre son entreprise. \"L\'idée de l\'aide forfaitaire est intéressante, souligne Mathieu Plane économiste à l\'OFCE, car elle va engendrer une baisse réelle du coût du travail, surtout au niveau du Smic, et limiter l\'effet d\'aubaine. C\'est une forme de relance car, in fine, cela va permettre d\'injecter de l\'argent dans les entreprises et de soutenir de l\'activité\". Pour autant, dans ses prévisions, en tenant compte de l\'augmentation \"naturelle\" de la population active et des effets de substitution (une entreprise préfèrera recruter un jeune de 24 ans plutôt que de 27 ans), l\'OFCE estime que 500.000 contrats de générations signés n\'entraîneront \"que\" 100.000 emplois créés.Reste à connaître le coût réel du dispositif et, surtout, son financement. En tout état de cause, le succès de ce contrat de génération reposera in fine sur les entreprises confrontées à une crise profonde et à des carnets de commandes dégarnis. Même avec une carotte, embaucheront-elles ?  
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