L'Espagne recherche locataires désespérément

Parmi les grandes économies de l\'OCDE, l\'Espagne est le pays où le marché de la location de logements est le plus faible. Avec une proportion d’à peine plus de 10% de logements locatifs, les ibères sont bien loin de l’Allemagne, qui affiche un taux de 60%, de la France (plus de 40 %)  ou du Royaume-Uni (environ 30 %). Ce faible poids du marché locatif est d’ailleurs généralisé sur tout le territoire espagnol. Seules certaines grandes villes espagnoles, comme Barcelone ou Madrid, parviennent à atteindre la barre des 20 %.Le marché locatif a des effets bénéfiques sur l’économie Durement affectée par une crise immobilière et économique durable, l’Espagne devra à coup sûr développer son parc locatif si elle veut retrouver sa santé économique d’antan. \"Les études montrent qu\'une augmentation du poids du marché locatif peut avoir des effets bénéfiques sur l\'économie, en particulier en facilitant la mobilité géographique des travailleurs, ce qui en retour permet de réduire le chômage\", constate Juan S. Mora Sanguinetti, économiste à la Banque d\'Espagne, dans une note relayée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). \"Ces conclusions sont particulièrement pertinentes dans le cas de l\'économie espagnole si l\'on considère que l\'Espagne compte le plus faible taux de migration interne de l\'OCDE et que les différences régionales en terme de taux de chômage sont importantes et persistantes\", ajoute-t-il.Des mesures libérales pour fluidifier le marché de la location Conscient de la situation, le gouvernement de Mariano Rajoy a présenté un projet de loi en août 2012 -qui devrait être voté en 2013 au parlement- pour équilibrer le marché du logement. Ces mesures devraient en fait complètement libéraliser le marché locatif espagnol. Le gouvernement en place estime en effet que les dispositifs protègeant les locataires contraignent fortement les propriétaires qui laissent en conséquence leur bien vacant.  Un certain nombre de droits des locataires vont donc être réduits et les contrats de location seront libéralisés. Ainsi, pour permettre au propriétaire de récupérer son bien plus rapidement qu’auparavant, le gouvernement va diminuer la durée minimum du bail du locataire de 5 à 3 ans avec un préavis de 2 mois. Concernant les loyers, le calcul de leur réévaluation sera décidé entre le propriétaire et le locataire et non plus fixé sur l’indice des prix à la consommation (IPC). Ce n\'est qu\'en l\'absence d\'un accord qu\'il sera appliqué un pourcentage égal à la moyenne de l\'IPC des 12 mois précédents. Les expulsions pour impayés des locataires seront également facilitées. \"La durée à partir de laquelle le locataire est considéré comme faisant défaut serait réduite à 10 jours\", indique Juan S. Mora Sanguinetti. \"Et si le débiteur fait finalement défaut ou ne fait pas opposition (en se présentant devant le juge), l’éviction peut être immédiatement ordonnée par le juge\", ajoute-t-il.Une fiscalité qui favorise la locationUne modification profonde de la fiscalité qui s’applique à l’immobilier est en outre opérée par le gouvernement. Il a déjà supprimé pour 2013 la déduction fiscale liée à l’acquisition immobilière, alors que celle-ci avait été instaurée en 1979 et modulée depuis. Une politique fiscale favorisant l’investissement locatif est proposée en parallèle. Les sociétés d’investissement dans l’immobilier verront ainsi \"leur taux d’imposition réduit à 0 %, contre 19 % précédemment. Tandis que l’obligation de distribuer les bénéfices passera à 80 %, contre 90 % précédemment\", détaille Juan S. Mora Sanguinetti. La réforme présentée en août 2012 réduit aussi de 7 à 3 ans la durée minimale pendant laquelle les sociétés d’investissement s’engagent à investir.La location n’est pas un réflexe en EspagneCes méthodes aux accents très libéraux du gouvernement Rajoy peuvent choquer en France, à l\'heure où la ministre du Logement Cécile Duflot va tenter d\'instaurer deux dispositifs, protecteurs des locataires, qui visent à encadrer les loyers et à les garantir de manière universelle. Seulement en Espagne plusieurs facteurs d\'ordre sociologique placent la location au second rang. La culture de la propriété y est solidement ancrée. Par exemple, le fait de ne pas quitter le foyer parental, et donc de ne pas louer son propre logement, pendant les études professionnelles ou universitaires, est une norme sociale généralisée, surtout en ces temps de crise. D’autant que les logements sociaux n’existent quasiment pas en Espagne. Ils n\'y représentent qu’entre 1 et 2% du parc de logements contre environ 15% en France. C\'est en fait cette absence de considération du gouvernement espagnol pour le logement locatif social qui risque, en parallèle à la libéralisation du marché, d\'exclure mécaniquement les ménages aux revenus les plus fragiles de l’accession à un logement décent.
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