BCE : pourquoi Angela Merkel a laissé faire

Si Mario Draghi a décidé de sortir son « bazooka », c\'est qu\'il a reçu la bénédiction de Berlin. Car comment en effet imaginer qu’il ait pu engager la BCE dans une politique de rachat illimité des dettes souveraines sans l’accord de l’Allemagne? C’eût été mettre en jeu la participation même de la première économie européenne à la zone euro. C’eût été en réalité suicidaire pour la BCE.L\'équation de la chancelièreIl semble donc bien que la chancelière ait décidé de mener à bien une stratégie qu’elle a mise au point cet été. Devant la fronde de son propre camp face à sa politique européenne et à un an de nouvelles élections fédérales, Angela Merkel ne veut prendre aucun risque. Pas question donc de renforcer les moyens accordés au Mécanisme européen de Stabilité (MES), ce qui nécessiterait d’en passer par un vote au Bundestag qui serait loin d’être acquis et qui fragiliserait sa coalition. Pas question pour autant de fâcher trop ouvertement avec les sociaux-démocrates plus europhiles par une politique trop complaisante pour les eurosceptiques de son propre camp. Enfin, pas question de prendre le risque d’une implosion ou d’une fragilisation de la zone euro par la sortie de la Grèce ou une attaque des marchés contre l\'Italie. Ceci mettrait en effet à jour l’échec de la politique menée par la chancelière depuis le printemps 2010.Gagner sans jouerAngela Merkel n’avait donc d’autres choix que de transférer la gestion de la crise à la BCE. Ce choix permet de faire sortir la gestion de la crise du cadre intergouvernemental qui a ouvertement échoué. Et, du coup, d’ôter à la chancelière le fardeau de cet échec et des échecs futurs de la politique de sauvetage de l’euro. Avec l’action de la BCE, la chancelière peut espérer un répit sur les marchés qu’elle utilisera pour faire campagne. Et nul doute qu’elle en profitera pour mettre ce répit au crédit de sa propre politique !L\'argument de l\'indépendanceQuant aux critiques des eurosceptiques et de ceux qui craignent l’hyperinflation, la chancelière pourra toujours faire mine de se désoler avec eux, affichant comme mercredi sa solidarité avec Jens Weidmann, le patron de la Buba. Au final, elle affichera la sacro-sainte « indépendance de la banque centrale » pour justifier son inaction. Outre-Rhin, l’argument porte. Comment ceux qui critiquent une BCE « aux ordres des Etats » pourraient s’y opposer ? L’essentiel pour la chancelière, c’est qu’ils ne puissent déstabiliser sa propre coalition et pour cela, elle devait à tout prix éviter un nouveau vote européen au Bundestag.Ouverture au centre-gaucheEnfin, dernier avantage non négligeable, l’action de Mario Draghi ouvre la voie à une socialisation des dettes au sein de la zone euro. C’est un authentique pas fédéral qui pourrait ne pas déplaire aux sociaux-démocrates et aux Verts. Lors des discussions sur la future coalition qui suivra les élections de 2013, l’argument pourrait avoir du poids. En laissant ce pas se faire, Angela Merkel se rapproche clairement du centre-gauche. Comme, dans les derniers sondages, son partenaire actuel le FDP semble devoir ne plus compter de députés après 2013, ceci permet de laisser ouverte la porte d’une coalition Verts-CDU ou SPD-CDU sous la direction… d’Angela Merkel.Coup habileLe coup est donc habile politiquement. La chancelière n’a pas hésité à brader les peurs et les convictions profondes des Allemands à son propre intérêt. Comme, en 2010, elle avait jeté au feu les intérêts européens pour apaiser sa situation politique intérieure. Car rien n’a d’importance pour elle que son maintien à la tête de l’Allemagne. Mais désormais, Angela Merkel a lié son destin à celui de la BCE. Nouvel exemple du pragmatisme radical de la chancelière.
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