Doha fait pression sur Paris pour obtenir plus de vols pour Qatar Airways

Ca chauffe entre le Qatar et la France sur les questions de transport aérien. Selon nos informations, le Premier ministre du Qatar a écrit il y a environ un mois à Jean-Marc Ayrault pour lui faire part de son regret de voir les demandes de vols supplémentaires de Qatar Airways en France refusées. Alors que la compagnie aérienne qatarie a déjà atteint le quota de vols inscrit dans le dernier accord bilatéral entre la France et le Qatar (21 vols hebdomadaires), elle souhaite à nouveau augmenter sa présence au départ de Paris. Sa demande de dérogation ayant été refusée par la direction générale de l\'aviation civile (DGAC), Qatar Airways est contrainte de fermer ses vols au départ de Nice fin mai pour les transférer à Paris début juin afin d\'y exploiter trois vols quotidiens entre Roissy et Doha.Suicidaire pour Air FranceAprès le refus de la DGAC, le ton du courrier devient même menaçant quand, évoquant les excellentes relations entre la France et le Qatar, le Premier ministre qatari rappelle le poids des commandes de Qatar Airways passées à Airbus, lesquelles ont « contribué au maintien de 17.000 emplois en France ». Le décryptage est très simple. \"Le Qatar menace de moins se fournir auprès d\'Airbus pour ses prochaine commandes d\'avions\", explique un proche du dossier, même si à court terme, les retards du B787 vont permettre à l\'avionneur européen d\'engranger une commande de 10 a 15 A330, la meilleure alternative au B787 aujourd\'hui en service. Une commande devrait être passée au salon du Bourget a indiqué mardi Le PDG de Qatar Airways, Akbar al Baker. Jean-Marc Ayrault n\'a pas encore répondu à son homologue. La position du gouvernement, confronté pour la première fois à ce type de dossier avec les compagnies du Golfe, n\'est pas tranchée.Sans avoir le statut officiel de réunion interministérielle (RIM), les ministères impliqués dans ce dossier (Matignon, Transports, Bercy, Quai d\'Orsay...) se sont réunis le 18 avril dernier pour étudier l\'opportunité d\'ouvrir des négociations bilatérales sur les services aériens entre la France et le Qatar. Elle n\'a pas été conclusive. Une autre réunion est prévue d\'ici à une semaine. Si rien n\'est joué, la tendance est néanmoins aujourd\'hui à ne pas accorder ces droits pour protéger Air France, en grandes difficultés financières. « C\'est trop tôt. Si l\'on accorde des vols supplémentaires à Qatar Airways, il faudra en accorder ensuite à Emirates (Dubaï) et Etihad (Abu Dhabi). C\'est suicidaire pour Air France », explique la même source. Déjà fortement concurrencée par les compagnies du Golfe qui aujourd\'hui proposent plus de 70 vols par semaine au départ de Paris (en comptant également Oman Air et Gulf Air), la compagnie Air France, en pleine restructuration, n\'est pas armée pour affronter une nouvelle vague de vols des compagnies du Golfe dans l\'Hexagone.ConsensusCette position semble faire consensus. Reste à trouver la bonne méthode pour l\'expliquer au Qatar. « Traditionnellement, le ministère des Transports était seul face à l\'Elysée, Matignon et le Quai d\'Orsay, mais cette fois c\'est le ministère des affaires étrangères qui est un peu isolé », explique un autre proche du dossier. Et encore, le Quai d\'Orsay ne remue pas ciel et terre et semble bien comprendre la problématique. Même Airbus, pourtant informé du courrier qatari, n\'est pas (encore ?) monté au créneau, comme il a pu le faire dans le passé dans des dossiers similaires. Il est vrai que la menace du Qatar est à relativiser même si a été évoquée mardi une commande opportuniste d\'A330. Les besoins de Qatar Airways ayant déjà fait l\'objet de plusieurs commandes importantes, le potentiel de commandes futures est jugé relativement faible à moyen terme. Si Airbus est calme, Air France s\'est très vite manifesté pour rappeler aux autorités françaises les dangers pour elle d\'accorder de nouveaux droits de trafic aux compagnies du GolfeDossier polémiqueCes négociations avec les compagnies du Golfe sont depuis une dizaine d\'années extrêmement tendues. Elles font l\'objet de polémiques entre Air France, qui pousse les autorités françaises à refuser les demandes de nouveaux droits de trafic d\'Emirates, de Qatar Airways ou autres Etihad soutenues par des Etats aux dents longues qui sortent du pur débat sur les droits de trafic pour mettre dans la balance d\'autres dossiers industriels. A ce jeu là, Air France n\'a pas su faire entendre sa voix. Son discours sur la défense de l\'emploi en France est le plus souvent passée après d\'autres considérations (Airbus, Dassault Aviation notamment).Aujourd\'hui, Air France peut néanmoins conseiller l\'Etat de faire attention aux promesses des Etats du Golfe. Il y a deux ans, quand la France a accordé des vols supplémentaires à Emirates et Etihad, les Emirats Arabes Unis s\'étaient engagés à signer une commande de Rafale dans l\'année. Elle est toujours en discussion. En outre, dans le cas présent, Air France peut bénéficier de l\'agacement de certains membres du gouvernement vis-à-vis de la politique d\'investissements du Qatar en France. Paris aimerait en effet un peu plus de concertation quand des fonds qataris mettent la main sur des fleurons français, comme le Printemps.
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